Médicaments avec date de péremption dépassée : jamais dangereux, juste parfois inefficaces ?

Globalement, il n’existe pas de signaux alarmants, notamment pour les médicaments solides conservés dans de bonnes conditions avec
leur emballage intact. Comme le remarque The Medical Letter On Drug and Therapeutics, on se demande souvent si les médicaments pourraient pas être utilisés après leur date de péremption.1 Un premier élément à savoir est que les fabricants ne condamnent pas une telle utilisation et n’émettent habituellement aucun commentaire relatif à la sécurité d’emploi ou à l’efficacité de leurs produits après la date inscrite sur l’emballage en raison de restrictions légales et de problèmes de responsabilité. La date de péremption est basée sur la stabilité du médicament dans son emballage scellé original. Cette date ne signifie pas forcément que le médicament s’est montré instable après une période plus longueprécise The Medical Letter ; elle signifie seulement que les données en temps réel ou les extrapolations issues d’études de dégradation accélérée indiquent que le médicament dans son emballage scellé sera toujours stable à cette date. La plupart des produits ont une durée de conservation de 1 à 5 ans, mais une fois que l’emballage original est ouvert, la date de péremption figurant sur celui-ci ne s’applique plus. Par ailleurs, aucun rapport faisant état d’une toxicité humaine due à l’ingestion, à l’injection ou à l’application topique d’un médicament actuel après sa date de péremption n’a été publié — en dehors de lésions tubulaires rénales rapportées après utilisation de tétracycline dégradée dont la formulation n’est maintenant plus disponible.
Stabilité, chaleur, humidité et stockage à long terme : les études ne montrent rien de très péjoratifs
Des données du programme d’extension de la période de conservation du Département américain de la défense, qui teste la stabilité des médicaments au-delà de leur date de péremption, ont montré que 2 650 lots sur 3 005 (~ 88 %) de 122 différents médicaments stockés dans leurs emballages originaux non ouverts étaient restés stables pendant une période moyenne de 66 mois après leur date de péremption. Parmi ceux-ci, 312 lots (~ 12 %) sont restés stables pendant plus de 4 ans après la date de péremption. Des anomalies au niveau de la puissance du pH, du contenu en eau, de la dissolution, de l’aspect physique ou de la présence d’impuretés ont été observées pour 479 lots (~ 18 %), mais jamais dans la première année. Le stockage dans des conditions de température et/ou d’humidité élevée peut accélérer la dégradation de certaines formes de médicaments, mais dans une étude, des comprimés de captopril, des comprimés de théophylline et de la poudre pour injection de céfoxitine sodique à 40 °C et 75 % d’humidité relative, sont restés stables pendant 1,5 à 9 ans après leur date de péremption.
Dans une autre étude, la théophylline avait conservé 90 % de sa puissance 30 ans après la date de péremption. Plus remarquable encore : une étude sur 8 produits qui avaient été conservés dans leurs emballages originaux intacts pendant 28 à 40 ans après la date de péremption, a montré que 12 des 14 ingrédients actifs avaient conservé 90 % et plus de leur puissance originale ; l’aspirine avait conservé moins de 5 % de sa puissance et l’amphétamine moins de 60 %.

Médicaments liquides
Les solutions et les suspensions sont généralement moins stables que les formes solides, mais un rapport indique que 4 échantillons de solution d’atropine périmés — dont trois périmés depuis une durée allant jusqu’à 12 ans et un périmé depuis > 50 ans — contenaient encore tous des quantités significatives du médicament. Les médicaments en solution devenue troubles ou décolorée, ou qui montrent des signes de précipitation, en particulier les médicaments injectables, ne doivent pas être utilisés. Les suspensions sont particulièrement sensibles au gel. Les facteurs limitatifs avec les médicaments ophtalmologiques incluent l’évaporation du solvant et le maintien de la capacité de l’agent de conservation à inhiber la croissance bactérienne.
Le cas de solutions d’adrénaline
Les solutions d’adrénaline dans les auto-injecteurs EpiPen peuvent perdre de leur puissance après la date de péremption. Dans une étude portant sur 34 stylos ayant dépassé leur date de péremption de 1 à 90 mois, la diminution du contenu en adrénaline était proportionnelle au nombre de mois après la date de péremption. Une étude a montré que des stylos périmés depuis 3 à 36 mois contenaient 84,2 à 101,5 % de la dose indiquée, mais une étude sur des stylos stockés dans des véhicules de services d’urgence avec une date de péremption dépassée de 1 à 11 ans avait précédemment montré qu’il restait seulement 12,6 à 31,3 % de la dose indiquée. Il n’existe aucune donnée concernant les autres auto-injecteurs d’adrénaline.
Conclusion
Lorsqu’il n’existe pas d’autres solutions, les médicaments ayant dépassé leur date de péremption peuvent être efficaces. La puissance résiduelle varie en fonction du médicament, du lot, des éventuels agents de conservation et des conditions de stockage, en particulier la chaleur et l’humidité ; de nombreuses formes solides conservées dans des conditions raisonnables et dans leurs emballages originaux intacts conservent 90 % et plus de leur puissance pendant au moins 5 ans après la date de péremption inscrite sur l’emballage, et parfois beaucoup plus longtemps. Les solutions et les suspensions sont en général moins stables.
Il n’existe pas de rapports signalant une toxicité liée aux produits de dégradation des médicaments actuels.

[hr]

Info-Respiration n°131 – Février 2016

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