Les inhibiteurs de tyrosine kinase dans l’HTAP : le revers de la médaille

Après avoir suscité des espoirs importants, le rapport bénéfice/risque des inhibiteurs de tyrosine kinase dans l’HTAP est remis en question par la survenue de complications (hématomes sous-duraux) liées à l’imatinib dans l’étude IMPRES et la description de cas d’HTAP induite par le dasatinib.

Dans les vingt dernières années, la disponibilité de traitement ciblant la dysfonction endothéliale (prostacycline, antagonistes des récepteurs de l’endothéline et inhibiteurs des phosphodiesterases de type 5) a considérablement modifié le pronostic de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). Néanmoins, le pronostic de l’HTAP idiopathique reste sombre avec une survie de 55 % à trois ans [1]. La découverte de l’implication de la voie du PDGF dans l’HTAP humaine et l’inhibition de cette voie par les inhibiteurs de tyrosine kinase, comme l’imatinib, ont suscité de grands espoirs. En effet, dans les modèles animaux d’HTAP, l’imatinib est capable de complètement reverser le remodelage vasculaire pulmonaire [2]. L’étude IMPRES (essai randomisé en double aveugle contre placebo) laissait suggérer un bénéfice clinique et hémodynamique après 24 semaines de traitement par imatinib [3]. Lors de ce congrès ont été présentées les données à long terme (3 ans) de l’extension de l’étude IMPRES. Ces données montrent que l’amélioration du test de marche semble se maintenir (+ 36 m) à 48 semaines mais sans amélioration significative du délai avant dégradation clinique. Le suivi à long terme des patients atteints d’HTAP traités par imatinib a permis de détecter un effet secondaire grave non prévu : la survenue de neuf cas d’hématomes sous-duraux (HSD) avec une incidence estimée de 0,04 HSD/patient-année. Cette complication sévère est survenue chez des patients traités par imatinib et recevant un traitement anticoagulant. Il semble que cette complication soit spécifique de l’imatinib car elle n’avait jamais été rapportée à cette fréquence dans les essais thérapeutiques ayant évalué les autres traitements de l’HTAP. Les mécanismes de survenue de ces HSD ne sont pas clairement élucidés à ce jour. Ces résultats ont été à l’origine d’une alerte de l’Afssaps (6 avril 2012) qui a rappelé que l’imatinib n’avait pas d’autorisation dans le traitement de l’HTAP et qu’il n’y avait pas à ce jour de preuve d’un rapport bénéfice/risque favorable de l’imatinib dans le traitement de l’HTAP. L’Afssaps concluait en rappelant que, « la prescription d’imatinib chez les patients atteints d’HTAP était formellement déconseillée en dehors des protocoles d’essais thérapeutiques ».

Lors de cette session, il a été aussi rapporté un travail du réseau français de l’HTAP qui a décrit la survenue d’HTAP induites par le dasatinib [4]. Le dasatinib est un inhibiteur de tyrosine kinase (inhibiteur de Src/Abl) utilisé en deuxième intention dans le traitement de la leucémie myéloïde chronique. Ce travail a permis de démontrer que le dasatinib pouvait induire des HTAP précapillaires sévères du point de vue clinique, fonctionnelle et hémodynamique. L’incidence estimée est de 0,45% des patients traités par dasatinib. Ces HTAP étaient partiellement réversibles à l’arrêt du dasatinib avec une amélioration de la classe fonctionnelle NYHA, du test de marche de 6-minutes, et des paramètres hémodynamiques. Néanmoins, l’évaluation à long terme de ces patients (médiane de suivi de 15 mois) a montré qu’il n’y avait pas de réversibilité totale de l’HTAP à l’arrêt du traitement.

L’ensemble de ces nouvelles données sur l’efficacité et la tolérance des inhibiteurs de tyrosine kinase remettent en question le rapport bénéfice/risque de ces traitements dans l’HTAP. L’utilisation de ces traitements dans l’HTAP reste prématuré et nécessitent la poursuite des essais thérapeutiques.

[1] Humbert M, Sitbon O, Chaouat A, Bertocchi M, Habib G, Gressin V, Yaici A, Weitzenblum E, Cordier JF, Chabot F, Dromer C, Pison C, Reynaud-Gaubert M, Haloun A, Laurent M, Hachulla E, Cottin V, Degano B, Jais X, Montani D, Souza R, Simonneau G. Survival in patients with idiopathic, familial, and anorexigen-associated pulmonary arterial hypertension in the modern management era. Circulation 2010 ; 122 : 156-63.

[2] Schermuly RT, Dony E, Ghofrani HA, Pullamsetti S, Savai R, Roth M, Sydykov A, Lai YJ, Weissmann N, Seeger W, Grimminger F. Reversal of experimental pulmonary hypertension by PDGF inhibition. J Clin Invest 2005 ; 115 : 2811-21.

[3] Ghofrani H, Morrell N, Hoeper M, Olschewski H, Peacock A, Barst R, Shapiro S, Golpon H, Toshner M, Grimminger F, Pascoe S. Imatinib in pulmonary arterial hypertension patients with inadequate response to established therapy. Am J Respir Crit Care Med 2010 ; 182 : 1171-7.

[4] Montani D, Bergot E, Gunther S, Savale L, Bergeron A, Bourdin A, Bouvaist H, Canuet M, Pison C, Macro M, Poubeau P, Girerd B, Natali D, Guignabert C, Perros F, O’Callaghan DS, Jais X, Tubert-Bitter P, Zalcman G, Sitbon O, Simonneau G, Humbert M. Pulmonary arterial hypertension in patients treated by dasatinib. Circulation 2012 ; 125 : 2128-37.

 

 

 

 

 

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Résumé de David Montani

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

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