Veille bibliographique GSF – Février 2014

Robespierre a-t-il eu une sarcoïdose ?

Robespierre : the oldest case of sarcoidosis.
Philippe Charlier, Philippe Froesch
Lancet 2013 ; 382 : 208 (letter)

Par le Professeur Dominique Valeyre (Service de pneumologie, Hôpital Avicenne, Bobigny)

Les auteurs envisagent un possible diagnostic de sarcoïdose chez Robespierre. Cette hypothèse repose sur les signes cutanés révélés lors de la reconstruction de son visage, sur son masque mortuaire et la révélation par son entourage de différents symptômes. D’autres diagnostics différentiels sont discutés par les auteurs.
Selon nous, l’atteinte cutanée faciale rend possible le diagnostic de sarcoïdose. Néanmoins, elle ne permet pas un diagnostic formel. La présentation de la sarcoïdose est protéiforme et très rares sont les formes suffisamment caractéristiques pour permettre un diagnostic clinique de certitude, comme par exemple le lupus pernio. Le plus souvent, les manifestations cliniques sont compatibles avec le diagnostic de sarcoïdose mais sont partagées par d’autres maladies souvent plus fréquentes et il faut réunir d’autres arguments histopathologiques (mise en évidence de granulomes) et microbiologiques (élimination d’une infection). Evidemment, ces éléments de même que l’imagerie thoracique n’étaient pas disponibles. Certains symptômes rapportés ne renforcent pas la conviction. Les ulcérations cutanées sont atypiques. L’ictère est exceptionnel. L’asthénie peut être autant la conséquence du surmenage et du stress que celle d’une maladie, sarcoïdose ou autre.
Conclusion : Robespierre a peut-être eu une sarcoïdose, mais sans certitude. Cependant, de toutes façons, au niveau historique, il ne semble pas que cette maladie ait pu impacter l’histoire de France ou la Révolution.

[hr]

Le TEP scanner au 18FDG couplé à une étude de la perfusion permet-il de prédire le pronostic des patients avec suspicion de sarcoïdose cardiaque ?

 Cardiac Positron Emission Tomography Enhances Prognostic Assessments of Patients with Suspected Cardiac Sarcoidosis Ron Blankstein, Michael Osborne, Masanao Naya, et al. JACC, DOI : 10.1016/j.jacc.2013.09.022

Par le Docteur Michael Soussan (Service de Médecine Nucléaire, Hôpital Avicenne, Bobigny)

Dans cette étude originale monocentrique ( [3]), les auteurs ont étudié l’impact pronostique du TEP cardiaque chez des patients avec sarcoïdose cardiaque. 118 patients consécutifs ont été inclus, avec une sarcoïdose cardiaque suspectée (109/118) ou déjà connue (9/118), sans coronaropathie associée. 38/118 patients réunissaient les critères japonais pour l’atteinte cardiaque. Tous les patients ont réalisé un TEP cardiaque au FDG (après régime sans glucides et hyperlipidique) à la recherche d’un hypermétabolisme anormal, couplé à un TEP au Rubidium, pour étudier la perfusion coronaire. Les résultats du TEP ont été classés en 3 catégories : normal (absence de fixation ou fixation diffuse de FDG, et perfusion normale), anomalie du métabolisme (fixation focale ou multifocale) ou de la perfusion au repos, anomalie du métabolisme et de la perfusion au repos. Ces résultats ont été corrélés à la survenue d’événements cardio-vasculaires (ECV) : le décès et la tachycardie ventriculaire soutenue. Les résultats montrent que 60% des patients ont un TEP anormal. Après un suivi médian de 1.5 ans, 26% (31/118) des patients ont présenté un ECV (27 TV, 8 décès). En analyse univariée, les variables associés à la survenue d’un ECV étaient : fraction d’éjection ventriculaire abaissée, critères japonais positifs, anomalies TEP en métabolisme et en perfusion et une fixation de FDG sur le ventricule droit. En analyse multivariée, après ajustement de l’effet de la baisse de la fraction d’éjection et des de la présence de critères japonais positifs, la présence d’une anomalie de métabolisme associée à un trouble de perfusion restait associée à la survenue d’ECV, avec un HR= 2.87 (95% CI : 1.05-7.85, p=0.039). Une anomalie TEP présente sur une seule des modalités n’était plus associée au risque d’ECV en analyse multivariée, même si les résultats sont proches de la significativité (HR=2.44 (0.90-6.66), p=0.08).
Il faut souligner que cette étude confirment que les résultats du TEP sont très mal corrélés aux critères japonais (kappa : 0.13-0.23), qui sont le plus souvent utilisés comme gold-standard dans les études ( [4], [5]). Cela pourrait signifier que ces critères japonais manquent de sensibilité par rapport au TEP et à l’IRM. Cependant, il faut garder à l’esprit le risque de faux positifs en TEP au FDG, en particulier lorsqu’il existe des hyperfixations de la paroi latéro-basale et des piliers, d’ou la nécessité de confronter systématiquement ces images à un examen de perfusion et/ou une IRM cardiaque.
En conclusion, les résultats de cette étude sont encourageants car ils montrent qu’une hyperfixation de FDG lorsqu’elle est associée à un défaut de perfusion, représente un facteur prédictif indépendant d’ECV graves chez les patients avec une suspicion de sarcoïdose cardiaque. Ces résultats apportent un argument supplémentaire pour introduire le TEP au sein des critères diagnostiques de sarcoïdose cardiaque, à l’image de l’IRM cardiaque.

[hr]

Rechercher les anticorps anti-interféron gamma dans les infections à mycobactéries non tuberculeuses disséminées sans déficit immunitaire génétique !

Un cas de mycobactériose non tuberculeuse disséminée associée à une toxoplasmose cérébelleuse avec anticorps anti-interferon gamma.
H. Tanaka, E. Yamaguchi, T Fukuoka et al.
Sarcoidosis vasculitis and diffuse lung diseases 2013 ; 30 ; 312-316

Par Loïc Duron (DES) et Fleur Cohen Aubart (Service de Médecine Interne, Pitié-Salpêtrière, Paris)

La présence d’auto-anticorps anti-interféron gamma (IFNγ) acquis a été récemment impliquée dans la survenue d’infections mycobactériennes non tuberculeuses (NTM). Cet article rapporte le cas d’une femme japonaise de 64 ans ayant pour principal antécédent un cancer du sein bilatéral traité par chirurgie, radiothérapie adjuvante et hormonothérapie, se présentant en mars 2007 avec un nodule du front à l’histologie non contributive mais dont la culture retrouvait des bacilles acido-alcoolo-résistants sans espèce identifiée. Successivement se sont développées des atteintes pulmonaires (adénopathie hilaire gauche, nodule pulmonaire, nodules endobronchiques, opacités pulmonaires en verre dépoli) et urogénitales (lésions vulvaires ulcérées et tuméfiées, nodules vésicaux, gonflement cervico-vaginal, adénopathies inguinales) dont l’histologie ne retrouvait jamais de granulome mais dont la culture et/ou la PCR étaient en faveur d’une infection disséminée à Mycobacterium avium. Ces lésions régressaient sous trithérapie par Clarithromycine, Rifampicine, Ethambutol avec récidive à l’arrêt. Le test de libération d’IFNγ après stimulation antigénique (Quantiferon®) était indéterminé. La patiente développait aussi de façon concomitante ou successive une rougeole, un zona, des poussées itératives d’herpès vulvaire et une toxoplasmose cérébelleuse partiellement résolutive sous acetyl-spiramycine et cotrimoxazole. Les anticorps anti-IFNγ dans le sérum, mesurés en ELISA, étaient en concentration 10 000 fois plus importante que chez les témoins. Il n’a pas été trouvé d’autre auto-anticorps dirigé contre des cytokines. La production de cytokines, dont l’IFNγ, pas les cellules sanguines mononucléées était normale, tout comme la phosphorylation de STAT1 en réponse à l’IFNγ. Les sous-populations lymphocytaires et le taux d’immunoglobulines étaient normaux. Les sérologies VIH et HTLV1 étaient négatives.
Les NTM bronchiques et urogénitales sont extrêmement rares. Les déficits immunitaires génétiques étaient peu probables chez cette patiente étant donné son âge et la production intacte d’IFNγ par les cellules mononucléées. La voie IFNγ/IL-12 était normale. Le taux extrêmement élevé d’anticorps anti-IFNγ était donc l’explication la plus probable à ces infections itératives. L’absence de granulome épithélioïde, cause de retard diagnostique, a déjà été signalée dans des modèles animaux et chez l’homme, soulignant le rôle de l’IFNγ dans leur formation. En revanche, le résultat indéterminé du Quantiferon®, causé par l’interférence entre les anticorps anti-IFNγ et la détection de l’IFNγ post-stimulation pourrait être un élément d’orientation vers ce diagnostic. L’étude des voies aboutissant à la synthèse d’auto-anticorps anti-IFNγ est un enjeu intéressant pour les futurs traitements anti-mycobactériens.

[hr]

Amélioration de la performance de l’IRM dans la détection de la sarcoidose cardiaque par la cartographie T2

Improved Detection of Cardiac Sarcoidosis Using Magnetic Resonance with Myocardial T2 mapping
E Crouser, C Ono, T Tran et al. AJRCCM 2014 ;189 :109

Par le Docteur Fleur Cohen Aubart (Service de Médecine Interne, Pitié-Salpêtrière, Paris)

Il n’existe pas de consensus actuel pour le diagnostic et le traitement de la sarcoïdose cardiaque. L’IRM a démontré depuis quelques années un intérêt diagnostique et pronostique, en particulier les prises de contraste tardives qui sont maintenant prises en compte dans les critères japonais (avec toutes les limites de ceux-ci). Malgré une excellente résolution spatiale, l’IRM peut manquer de sensibilité si on s’en tient aux seules prises de contrastes tardives car celles-ci représentent essentiellement du myocarde non viable. L’inflammation myocardique survenant à un stade plus précoce, potentiellement réversible, est mal détectée par l’IRM classique. Les auteurs présentent les résultats rétrospectifs obtenus sur 50 patients avec sarcoïdose histologiquement prouvée et ayant bénéficié d’une IRM cardiaque entre 2010 et 2013. 60 % des patients étaient traités par corticoïdes et/ou immunosuppresseurs au moment de l’étude. Un protocole d’IRM comportant des séquences T2 et recherche de prises de contraste tardives était appliqué pour ces 50 patients et l’IRM était revue segment par segment selon un protocole détaillé, en prenant une durée de 59 millisecondes pour indiquer un allongement de T2 anormal, de façon semblable à ce qui est utilisé dans les myocardites. Les données cliniques, électrocardiographiques, échographiques et électrophysiologiques étaient recueillies. 40 patients (80 %) avaient une fraction d’éjection du ventricule gauche supérieure à 50 %. 16 patients ne présentait ni allongement du T2 ni de prise de contraste retardée. 27 patients (54 %) présentaient un allongement du T2, alors que 23 (45 %) présentaient une prise de contraste tardive (p=0.34, non significatif). Cependant, 11 des 27 patients sans prise de contraste tardive avaient un allongement du T2 alors que 7 des 23 patients sans allongement de T2 avaient une prise de contraste tardive, suggérant des informations complémentaires des 2. Les patients ayant des anomalies électriques (non détaillées) avaient en moyenne des T2 plus longs que ceux sans anomalie (62.9 versus 58.3 ms, p=0.01) et une plus grande prévalence de prises de contraste tardive (62 % versus 26 %, p=0.01). Il n’y avait pas de différence de prévalence des 2 anomalies entre les patients blancs et noirs. La signification clinique de l’allongement du T2 dans un contexte de cardiopathie autre que granulomateuse demeure incertaine, mais pourrait refléter des lésions réversibles au contraire des prises de contraste tardives censées détecter du myocarde non viable (nécrose ou fibrose). Le signal T2 dépend des mouvements d’eau modifiés par l’acidose, l’œdème ou l’inflammation. Le myocarde ayant un allongement de T2 est viable et normalement contractile. Dans le contexte de sarcoïdose, l’allongement du T2 est censé refléter de l’inflammation granulomateuse active, potentiellement réversible par des traitements appropriés. Les résultats de cette étude montrent que les anomalies T2 retrouvées correspondent plus fréquemment à l’existence d’anomalies électriques ou échographiques. La détection de zones d’allongement de T2 par cartographie IRM est probablement complémentaire à la détection des prises de contraste tardives. Il sera bien entendu utile de corréler ces données à celles obtenues par 18 FDG TEP scanner chez les patients avec suspicion de sarcoïdose cardiaque. Il sera également intéressant d’étudier si les zones d’allongement du T2 sont réversibles sous traitement, contrairement aux prises de contraste tardives. On peut regretter que ne soient pas détaillées ici les caractéristiques cliniques, électriques, échographiques et électrophysiologiques des patients. On ne dispose pas non plus de données sur l’évolution mais il s’agissait d’une étude préliminaire. On rappelle que l’IRM reste limitée par son impossibilité ou sa difficulté à être réalisée chez les patients porteurs de défibrillateurs ou de pace-makers.

[3] 1. Blankstein R, Osborne M, Naya M, et al. Cardiac Positron Emission Tomography Enhances Prognostic Assessments of Patients with Suspected Cardiac Sarcoidosis. J Am Coll Cardiol 2013.

[4] 2. Soussan M, Brillet PY, Nunes H, et al. Clinical value of a high-fat and low-carbohydrate diet before FDG-PET/CT for evaluation of patients with suspected cardiac sarcoidosis. J Nucl Cardiol 2012 ;20:120-127.

[5] Patel MR, Cawley PJ, Heitner JF, et al. Detection of myocardial damage in patients with sarcoidosis. Circulation 2009 ;120:1969-1977.

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