Améliorer la prise des corticoïdes inhalés chez l’enfant serait simple comme un coup de fil ?
Voici des décennies — sinon des siècles si l’on devait remonter à Hippocrate —, que les prescripteurs se lamentent de la mauvaise observance des patients. Toutes les pathologies sont concernées et notamment la prise de la corticothérapie inhalée en pédiatrie. Après le noeud dans le mouchoir, puis le post-it collé sur le frigo, chaque
époque avance ses solutions pour tenter d’améliorer l’observance des patients — ou des parents lorsqu’il s’agit de traiter les enfants. La place grandissante des possibilités de contacts via les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) dans nos vies quotidiennes, à savoir les SMS, les appels téléphoniques, les courriels ouvrent de nouvelles perspectives si bien que les études se multiplient. Une équipe de Denver (Bruce Bender, et al. ; Université du Colorado) expose dans JAMA Pediatrics leur proposition : un système couplant un logiciel de reconnaissance vocale par téléphone et les dossiers médicaux électroniques des patients.1
Le système de rappels téléphoniques (speech recognition intervention) utilise un logiciel qui génère une conversation par étapes avec les parents, à partir des données de chaque enfant (son âge, son sexe, le nom de son traitement, de son médecin), les prévient lorsqu’il faut renouveler le traitement et délivre des messages sanitaires, comme l’importance de bien prendre le traitement lors de la période pollinique ou en hiver, de se faire vacciner aussi contre la grippe par exemple. Les parents ont aussi la possibilité de demander à être rappelés par une infirmière spécialisée ou un pharmacien. Cette solution a été testée au sein du réseau de santé Kaiser Permanente du Colorado dans le cadre d’une étude pragmatique randomisée (The Breathe Well study), auprès de 1 187 enfants âgés de 3 à 12 ans, recevant une prescription de corticoïde inhalé pour traiter un asthme persistant. Ils ont été randomisés d’octobre 2009 à février 2013) entre un suivi par rappels téléphoniques automatiques et un suivi classique pour 24 mois. L’analyse en intention de traiter montre que, à l’issue de l’étude, l’observance pour la corticothérapie inhalée était améliorée (de 25,4 % supérieure) chez les enfants suivis avec le système de rappels téléphoniques par rapport aux enfants suivis de manière habituelle, avec une délivrance du traitement couvrant respectivement 44,5 % et 35,5 % des jours de prescription. Qu’en penser ? D’un point de vue clinique, les auteurs reconnaissent que la meilleure observance associée aux rappels téléphoniques n’a pas permis de réduire de manière significative le recours aux traitements symptomatiques ou les
visites aux urgences. Cette absence d’impact résultat est peut-être due à un problème de puissance, car ces événements ont été peu nombreux dans cette étude. D’un point de vue technologique, ce résultat encourage à poursuivre les recherches car les auteurs indiquent que leur système a l’avantage d’être peu coûteux — nous n’avons pas de détail à ce sujet, et à ce stade nous devons les croire sur parole. Même si les données sur le bien-fondé de l’avènement de ce que l’on pourrait appeler ici une « observance électronique » restent encore trop parcellaires, voilà une étude de plus qui suggère que les processus automatisés liés à des téléphones portables pourraient avoir une place dans le suivi des maladies chroniques. À quand des travaux français sur ce thème ?
Nicolas Postel-Vinay HEGP, Paris Directeur du site automesure.com
- Bender BG, et al. Pragmatic trial of health care technologies to improve adherence to pediatric asthma treatment : a randomized
clinical trial. JAMA Pediatr 2015 Apr ; 169(4) : 317-23. doi:10.1001/jamapediatrics. 2014.328 ↩