Les anticoagulants, ce n’est pas automatique !

Les recommandations actuelles proposent de traiter par AVK (INR 1,5-2,5) les patients présentant une HTAP idiopathique, héritable, ou associée à la prise d’anorexigènes. Par extension, ces recommandations proposent de discuter au cas par cas l’intérêt de cette anticoagulation dans les autres formes d’HTAP. Le niveau de preuve de ces recommandations est faible car elles ne reposent que sur les données d’études rétrospectives réalisées avant la disponibilité des traitements spécifiques de l’HTAP. En l’absence d’étude randomisée, l’analyse des registres (COMPERA et REVEAL) permet d’avoir une idée des pratiques et du bénéfice potentiel de l’anticoagulation. 

La première étude présentée lors de cette session s’est intéressée aux données de 1 283 patients HTAP issus du registre COMPERA (registre européen comprenant 80 % de patients Allemands). Cela a permis d’apporter des informations sur les pratiques : au total, seuls 58 % des patients présentant une HTAP recevaient une anticoagulation (66 % des formes idiopathiques, 43 % des formes associées). Chez les patients présentant une HTAP idiopathique, héritable ou associée à la prise d’anorexigène, la survie à 3 ans était significativement supérieure dans le groupe recevant un traitement anticoagulant (p = 0,005). En analyse multivariée, le traitement anticoagulant était associé de manière indépendante à une diminution de mortalité (HR 0,79, p = 0,007). À l’inverse, il n’existait pas de différence de survie dans les autres formes d’HTAP, et une tendance à une mortalité plus élevée chez les patients sclérodermiques traités par anticoagulant. Malheureusement, les données de ce registre n’incluaient pas les comorbidités, ce qui peut avoir directement influencé la prescription d’anticoagulant et la survie observée. De plus, il existait dans cette étude une limitation méthodologique majeure liée à l’immortal time bias, car la survie était calculée à partir du diagnostic de l’HTAP, même si, l’antiocagulation avait débuté des mois après le diagnostic.

Afin de s’affranchir de ces biais, une étude cas-contrôle a été réalisée à partir des données du registre américain REVEAL. La méthodologie utilisée a permis de s’affranchir de ce biais en analysant la survie à partir du début effectif de l’anticoagulation et en ajustant en fonction de la sévérité des patients (ajusté à l’aide du score REVEAL). Cette étude n’a pas montré d’amélioration significative de la survie à 3 ans chez les patients HTAP idiopathiques traités par warfarine (77 %) par rapport au groupe contrôle (81 %) (n = 144 dans chaque groupe). Chez les patients sclérodermiques (n = 43 dans chaque groupe), il existait une augmentation de la mortalité chez les patients anticoagulés (survie à 3 ans à 41,5 % vs 62 % dans le groupe non traité, p = 0,03). Cette différence n’atteignait pas la significativité après ajustement par rapport au score REVEAL.

Les données issues de ces registres montrent que le bénéfice de l’anticoagulation n’est pas évident dans toutes les formes d’HTAP et leur sécurité reste à prouver, notamment dans l’HTAP associé à la sclérodermie. L’analyse rétrospective de ces registres se heurte à des limites méthodologiques et en premier lieu, les raisons qui ont incité les médecins à prescrire ou non une anticoagulation (âge, comorbidités, sévérité, antécédent de perte de connaissance, d’hémoptysie…). Ces données renforcent néanmoins l’idée que l’anticoagulation ne doit pas être systématique dans toutes les formes d’HTAP et que l’indication doit être discutée au cas par cas en du rapport bénéfice/risque attendu. Seules des études randomisées permettront de répondre définitivement à cette question et de modifier les recommandations actuelles.

 

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David Montani d’après les communications de K.M. Olsson, et al. Publication A2463 : Use of anticoagulation and outcome in patients with pulmonary arterial hypertension : results from the COMPERA registry et de I.R. Preston, et al. Publication A2464 : Effect of warfarin treatment on survival of patients with pulmonary arterial hypertension (PAH) in the registry to evaluate early and long-term PAH disease management (REVEAL)
Session B17 : Trials, tribulations and treatments in pulmonary arterial hypertension.

 

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© iSPLF – Mission ATS – MAI 2014

 

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