SERVE-HF : quelle conduite à tenir dans la suite immédiate des premiers résultats ?

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SERVE-HF : quelle conduite à tenir dans la suite immédiate des premiers résultats ?

Marie-Pia d’Ortho
Service de Physiologie – Explorations Fonctionnelles, DHU FIRE, Hôpital Bichat,
GHU PNVS,
AP-HP, Paris

Frédéric Gagnadoux
Département de Pneumologie
CHU d’Angers

Jean-Claude Meurice
Service de Pneumologie
CHRU de Poitiers la Miletrie

Le mercredi 13 mai 2015, ResMed a lancé une alerte auprès des autorités de santé, concernant le traitement par ventilation servo-adaptée des apnées du sommeil centrales (SASC) des patients insuffisants cardiaques (IC) systoliques. Cette alerte se base sur les premiers résultats de l’étude SERVE-HF.

Pour mémoire cette étude randomisée contrôlée multicentrique portait sur des patients symptomatiques de leur insuffisance cardiaque (NYHA classe II à IV), dont la fraction d’éjection ventriculaire gauche était ≤ 45 %, porteurs d’un syndrome d’apnées du sommeil modéré à sévère (index d’apnées – hypopnées, IAH > 15/h), majoritairement central (≥50% apnées – hypopnées centrales et IAH centrales ≥10/h), et comparait deux groupes : un groupe sous traitement médical optimal de l’IC et un groupe sous traitement médical optimal de l’IC, traités de plus de leurs apnées centrales du sommeil par ventilation auto-asservie. Le critère d’analyse principal était la le délai de survenue d’un évènement parmi ceux-ci (critère composite): mortalité toute cause, hospitalisation non planifiée pour aggravation de l’IC, transplantation cardiaque, choc approprié dans le cas où le patient est porteur d’un défibrillateur implantable (un comité d’adjudication indépendant revoyait tous les cas) (1).

Les premiers résultats montrent, spécifiquement dans cette population, une augmentation du risque de mortalité cardiovasculaire de 33.5% chez les patients traités par ventilation servo-adaptée comparativement au groupe non traité de leurs SASC (risque annuel absolu : 10% versus 7.5% respectivement dans le groupe traitement médical plus ventilation nocturne et dans le groupe traitement médical seul).

Il faut souligner que l’étude n’a pas porté sur les patients insuffisants cardiaques à fraction d’éjection préservée, pas plus qu’elle n’a concerné des patients non insuffisants cardiaques (autres étiologies d’apnées centrales).

Questions – réponses :

Ces résultats concernent ils uniquement les patients traités par Autoset CS™ et Pace Wave™ ?

Le résultat n’est pas une conséquence d’un potentiel dysfonctionnement des machines ResMed® mais semble bien lié au principe même de la ventilation auto-asservie, utilisant une aide variable (ou une pression inspiratoire variable) permettant la correction de la respiration de Cheyne-Stokes.

Quelle conduite à tenir ?

En pratique l’utilisation d’une ventilation servo-adaptée chez l’insuffisant cardiaque systolique (FEVG ≤ 45 %) symptomatique (NYHA II à IV) avec apnées centrales majoritaires, est désormais contre-indiquée.

  • Avant toute primo-prescription d’une telle ventilation, les patients porteurs d’un SAS central prédominant doivent bénéficier d’une mesure de la FEVG au minimum par échocardiographie,
  • Les patients déjà appareillés doivent être contactés rapidement pour réévaluation :
    • s’ils sont porteurs connus d’une dysfonction cardiaque systolique (altération de la FEVG), leur ventilation doit être interrompue. Une réévaluation du SAS et de la FEVG peut être proposée si les examens datent de plus de douze mois, mais cette réévaluation ne doit pas faire différer l’interruption de la ventilation.
    • s’il n’y avait pas de dysfonction cardiaque connue et en l’absence d’évènement médical intercurrent susceptible d’impacter la fonction cardiaque systolique, une évaluation de moins de six mois de la FEVG est nécessaire pour adapter la suite de la prise en charge des apnées
    • la FEVG doit bien sûr être réévaluée à chaque évènement médical intercurrent susceptible d’impacter la fonction cardiaque, une attention particulière doit être portée aux patients diabétiques chez qui l’infarctus peut être silencieux.

Comment retrouver les patients pour les contacter ?

L’identification de ces patients peut se faire à partir des bases de données de service ou de cabinet lorsqu’il en existe, mais le plus simple reste de s’appuyer sur celles des prestataires qui ont été avertis en même temps que les autorités de santé. Les prestataires sont en mesure de vous fournir le listing de patients traités par ventilation auto-asservie.

Quel(s) traitement(s) de remplacement peut-on proposer aux patients insuffisants cardiaques systoliques avec SAS central et Cheyne-Stokes ?

L’oxygénothérapie et la PPC ont fait l’objet de publications antérieures, mais soit les effectifs sont relativement restreints (oxygénothérapie), soit les résultats neutres (PPC, étude CANPAP), et aucune étude n’a suivi des patients de façon aussi prolongée que SERVE HF.

ATTENTION : Ce texte ne reflète que la position de son auteur à cette date, cette position peut faire l’objet de révision en fonction de discussions menées au sein des sociétés savantes concernées, et de l’évolution de la connaissance médicale, notamment avec des données additionnelles issues de l’étude SERVE HF© ou issues d’autres études en cours.

 

Références

(1) Cowie MR1, Woehrle H, Wegscheider K, Angermann C, d’Ortho MP, Erdmann E, Levy P, Simonds A, Somers VK, Zannad F, Teschler H.

Rationale and design of the SERVE-HF study: treatment of sleep-disordered breathing with predominant central sleep apnoea with adaptive servo-ventilation in patients with chronic heart failure.

Eur J Heart Fail. 2013 Aug;15(8):937-43. doi: 10.1093/eurjhf/hft051. Epub 2013 Mar 27.

(Rationale and design of the SERVE-HF study.”)

Informations sur le site de l’ANSM :

  • http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/0e32aa35fc6087a6b33431adc2a24422.pdf

Informations sur le site de l’AASM :

Informations sur le site de ResMed :

 

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