En France, on estime à une centaine le nombre de cas de narcolepsie postpandémique. Un phénomène de mimétisme moléculaire en serait l’explication.
Dès l’introduction de la variolisation de l’empire ottoman vers l’Europeà la fin du xviiie siècle a commencé le recueil des accidents imputables aux vaccins. À condition qu’ils soient recueillis de façon scientifique, ces chiffres constituent des repères indispensables à l’élaboration des politiques vaccinales et au jugement du médecin. C’est dire l’intérêt de la synthèse sur la narcolepsie liée à la vaccination antigrippale H1N1 faite par Yves Dauvilliers (Centre de référence national des maladies rares [narcolepsie, hypersomnie idiopathique et syndrome de Kleine Levin], unité des troubles du sommeil, service de neurologie, hôpital Gui-de-Chauliac, CHU de Montpellier Inserm-U1061, Montpellier) dans la Revue du Praticien que nous reprenons largement ici.1
L’association de la narcolepsie de type 1 2 avec la vaccination NIH1 est solide et confirmée dans plusieurs constats cités par Dauvilliers : augmentation de l’incidence de la narcolepsie signalée en Suède et en Finlande après le début de la vaccination contre la grippe pandémique de 2009 ; augmentation de 1points du risque de développer la maladiechez les enfants dans les mois suivant l’utilisation du Pandemrix en Finlande (l’association a été confirmée dans d’autres pays comme l’Irlande, le Royaume-Uni et la France).
En Europe, 19,4 millions de personnes ont reçu le vaccin Pandemrix, dont 4,1 millions en France. 3 Dans ce cadre, on estime à environ 650 (entre 600 et 800) le nombre de personnes atteintes de narcolepsie postpandémique, avec déjà plus de 350 cas rapportés à travers onze études publiées ; environ 100 cas (entre 90 et 120) sont en cours d’investigation en France (données non publiées, précise Dauvilliers). Une méta-analyse en cours de publication montre que le risque relatif d’être narcoleptique dans l’année suivant la vaccination par Pandemrix est de 14,32 (intervalle de confiance à 95 % : 8,92-22,99) chez l’enfant/ adolescent et de 7,01 (3,40-14,46) chez l’adulte.1 Toutefois le risque attribuable au vaccin Pandemrix n’est que de 1 sur 18 400 vaccinations chez l’enfant/adolescent. Mais les données ne sont pas assez nombreuses chez l’adulte pour que soit calculé ce risque attribuable de façon robuste, commente Dauvilliers. Comment comprendre le mécanisme causal de cette association ? L’hypothèse la plus probable, selon Dauvilliers, est que certaines protéines du virus partageraient une homologie de séquence avec les protéines exprimées dans les neurones à hypocrétine. Un épisode infectieux ou une vaccination activerait une population lymphocytaire spécifique d’un antigène donné, migrerait dans le cerveau via la barrière hémato-encéphalique, reconnaitrait puis détruirait les neurones à hypocrétine via un mimétisme moléculaire. Cela posé, on note que même si le profil évolutif des narcoleptiques postpandémique semble identique à celui des patients atteints de narcolepsie non liée à la vaccination, les mécanismes physiopathologiques sous-jacents restent encore incertains. Par ailleurs indiquons que l’association entre narcolepsie et grippe n’est pas clairement établie (pas de différence retrouvée sur le nombre d’épisodes infectieux grippaux entre les cas et les contrôlés) et le rôle potentiel d’infections virales dans le déclenchement de la narcolepsie reste incertain à ce jour. Même si les virus influenza de type 1 sont connus pour être associés à des maladies auto-immunes, tels l’encéphalite léthargique (décrite par von Economo après la grippe espagnole de 1918) et le syndrome de Guillain-Barrré (signalé après la vaccination contre la grippe porcine de 1977), on retiendra que ce n’est pas décrit pour la narcolepsie.
Nicolas Postel-Vinay, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris
L’auteur a déclaré ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec le contenu de cet article.
Info-Respiration N°137 Février 2017
- Dauvilliers Y. Narcolepsie de type 1 : un lien avec la vaccination H1N1. Rev Prat 2016 ; 66 : 703-6. ↩
- La narcolepsie de type 1 est une cause rare d’hypersomnie caractérisée par la destruction des neurones à hypocrétine survenant chez des sujets prédisposés génétiquement. La narcolepsie de type 1 est une pathologie plurifactorielle mettant en jeu, comme la plupart des pathologies auto-immunes, des facteurs génétiques et environnementaux incluant notamment les infections à streptocoques, grippales saisonnières ou pandémiques, et la vaccination antigrippale de 2009. ↩
- Plusieurs vaccins ont été administrés après le début de la pandémie : Pandemrix (GlaxoSmithKline, Allemagne), Panenza (Aventis, France), Focetria (Novartis, Italie) et Celvapan (Baxter, États-Unis). ↩