Infections invasives à Candida : quelques données récentes à ne pas méconnaître pour une meilleure prise en charge


Bien que les infections fongiques occupent une place importante en pathologie pulmonaire courante comme chez les patients en secteur de soins critiques, il reste beaucoup de zones d’ombre que ce soit en termes de physiopathologie, de diagnostic ou de prise en charge. Un symposium de l’ATS 2021 (B003) s’est proposé, non pas comme l’indique son titre accrocheur de rendre ce thème « exciting », mais de répondre à des questions d’actualité. Certaines d’entre elles portaient notamment sur les infections graves à Candida.

M. Bassetti (Gênes, Italie) a souligné la menace que représente l’infection à Candida auris, dont l’implication est rapportée de façon croissante de par le monde depuis 2009, date des premières publications, avec notamment des publications récentes dans lesquelles une infection à Candida auris complique l’évolution de patients Covid-19 en soins critiques. Un rôle de la pression croissante exercée par le large usage des antifungique est suspecté. La particularité de ce germe pouvant être responsable de candidémie est qu’il est associé à une mortalité élevée (ce qui n’est pas sans lien avec le point précédent), qu’une transmission nosocomiale a été observée et qu’il existe une fréquente résistance aux antifongiques usuels (taux de résistance au fluconazole, au voriconazole, à l’amphotéricine B, et aux échinocandines de 93%, 54%, 35% et 7%, respectivement). Une résistance à > 2 classes d’antifongiques est observée dans 41% des cas. L’auteur a passé en revue les molécules en phase 3 ou phase 2 de développement qui pourraient être utiles en cas d’infection à C. auris: l’ibrexafungerp, nouvel antifongique de la classe des triterpenoids, administrable per os, dont la cible est la synthèse du βD glucane (un essai clinique va se terminer); la rezafungin, nouvel échinocandine IV avec demi-vie prolongée (1 injection /semaine) (essai clinique contrôlé en cours); le fosmanogepix (IV ou per os); le tetrazole et le ravuconazole, nouveaux azolés.

S. Jacobs (New York, NY, USA) a fait le point sur les indications de traitement empirique d’une infection invasive à Candida en secteur de soins critiques. Elle a commencé par rappeler la gravité des candidémies puisqu’elles peuvent être cause d’un choc septique et qu’elles sont associées à une mortalité allant jusqu’à 50%. Le diagnostic doit en être posé sans délai car chaque jour qui passe accroît le taux de mortalité. Le traitement empirique se discute chez des patients présentant des symptômes d’infection associés à des facteurs de risque de candidémie (corticothérapie, colonisation à Candida, chirurgie majeur récente notamment intra-abdominale, insuffisance rénale, nutrition parentérale, exposition à des antibiotiques à large spectre, cathéter veineux central…) A la lumière des résultats d’études contrôlées réalisées ces dernières années, la Task Force de l’ESICM/ESCSMID en 2019 recommande de réserver le traitement empirique aux patients en choc septique présentant plus d’un site extradigestif de colonisation prouvée à Candida. L’auteur rappelle la haute valeur prédictive négative du dosage de βD glucane dont le monitorage répété permet l’arrêt d’un traitement empirique et l’intérêt du T2MR combinant résonnance magnétique nucléaire et PCR pour l’identification rapide de la candidémie. Le traitement, quand il est indiqué, doit reposer sur les échinocandines qui sont préférées aux azolés (bonne tolérance, peu d’interactions médicamenteuses, spectre plus large, fongicidie).

Hervé Mal, Service de pneumologie et transplantation pulmonaire, Hôpital Bichât, Paris


D’après la communication de M Bassetti: The threat of Candida auris: exagerated or underestimated?

D’après la communication de S. Jacobs : empirical therapy for invasive candidiasis in the ICU: who, when, how?

Session B003 Making fungal infections exciting again : pressing questions in pulmonary and critical practice

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