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Dans une session consacrée aux problèmes de santé respiratoire des personnes transgenres, les potentiels complications du bandage de poitrine ont été abordées. Il s’agit de comprimer le tissu mammaire pour donner l’apparence d’une poitrine plate. Le point positif de cette pratique est qu’elle permet une réduction de la dysphorie de genre, qui correspond au sentiment de détresse exprimé par les personnes dont l’identité de genre ne correspond pas au sexe qui leur a été assigné à la naissance, entrainant une anxiété, une dépression et des idées suicidaires. Différentes problématiques se posent au pneumologue amené à prendre en charge un homme transgenre.

Si la question peut paraître anecdotique, le Ministère des Solidarités et de la Santé estime en 2022, entre 20 000 et 60 000 les personnes transgenres en France. Aux Etats-Unis, 80% des adolescents transgenres bandent leur poitrine. Approximativement la moitié d’entre eux débutent cette technique avant l’âge de 20 ans et l’utilisent quotidiennement.

Le bandage de la poitrine entraine des symptômes dans plus de 90% des cas. Ces symptômes débutent dès la première année et peuvent s’intensifier selon la durée du port du bandage. Parmi les symptômes les plus fréquents, 51% des hommes transgenres interrogés décrivent une dyspnée. Le mécanisme sous-jacent est probablement lié à la restriction du mouvement et à la réduction de la compliance thoracique que le bandage entraîne. Le bandage thoracique est d’ailleurs une des méthodologies utilisées pour induire une dyspnée chez le sujet sain dans le cadre de protocoles de recherche physiopathologiques, la réduction du volume courant comme la perte de sa variabilité physiologique induisant des sensations respiratoires inconfortables. D’autres effets secondaires ont été rapportés, notamment des troubles cutanés et des douleurs musculosquelettiques jusqu’aux fractures de côte. On peut également faire l’hypothèse d’un risque de déformation thoracique favorisant la restriction pulmonaire si le bandage est pratiqué dès l’adolescence.

Cette pratique peut rendre complexe l’interprétation des explorations fonctionnelles respiratoires (EFR). Ainsi, le risque est réel de surdiagnostiquer un syndrome restrictif : 1/ si les EFR sont réalisées avec le bandage mais aussi 2/ si les EFR sont interprétées avec les normes masculines qui correspondent à l’apparence du patient alors que ses fonctions respiratoires normales sont probablement plus basses, correspondant au sexe féminin de naissance. On peut ajouter à cette complexité de potentiels effets confondants des traitements hormonaux administrés pour la transition de genre.

La prise en charge des patients transgenres ouvre un ensemble de questions complexes nécessitant une prise en charge spécifique dans un esprit bienveillant. En effet, une discussion avec les patients dans une relation de confiance ouverte est ainsi nécessaire, par exemple pour déterminer le sexe utilisé pour l’interprétation mais aussi le rendu des EFR ou pour solliciter le retrait du bandage de la poitrine le temps de pratiquer les EFR.

D’après la communication de K. Roth. Interpretation of pulmonary function testing in people who are transgender or non-binary (session B3).

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