Addictions oncogéniques et épanchement pleural : pas de meilleure survie mais les inhibiteurs de tyrosine kinase ne sont pas si mauvais…

Les épanchements pleuraux malins (EPM), quel que soit le cancer primitif, sont associés à un pronostic péjoratif. Le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) est le principal cancer à l’origine d’EPM. Les patients porteurs d’un CBNPC avec une addiction oncogénique (EGFR, ALK, ROS1…) se distinguent par un meilleur pronostic, principalement du fait de l’efficacité des inhibiteurs de tyrosine kinase (TKI). Néanmoins, cette catégorie de patients est très hétérogène et l’influence de la présence d’une addiction oncogénique sur la survie des patients porteurs d’un CBNPC avec une addiction oncogénique n’est pas connue. De plus, l’efficacité particulière des TKI de l’EGFR sur les EPM reste mal précisée. 

Entre 2008 et 2020, 148 patients hospitalisés pour la mise en place d’un cathéter pleural tunnélisé dans le cadre du diagnostic d’un CBNPC ont été inclus. Parmi eux, 20 patients avaient une mutation EGFR (comparés à 54 patients sans mutation) et 8 patients un réarrangement ALK (comparés à 57 patients sans mutation). L’analyse de survie (temps de suivi maximum de 3 ans) n’a pas montré d’association entre le statut moléculaire (présence d’une addiction oncogénique ou non) et la survie globale (EGFR, p=0,70 ; ALK, p=0,50). Ces premiers résultats, sur un effectif relativement faible, méritent d’être confirmés ou non avec une plus large étude prospective et en tenant compte des potentiels facteurs de confusion tels que la prise d’un TKI ou le profil métastatique.

Une autre étude a inclus, entre 2009 et 2020, 110 patients porteurs d’un adénocarcinome avec une mutation EGFR compliqué d’un EPM et traité en première ligne par un TKI. Le critère de jugement principal était la survie sans progression de l’EPM (SSPE). Parmi les patients inclus, 51 avaient une mutation EGFR de type délétion de l’exon 19, 51 une mutation L858R de l’exon 21 et 8 un autre type de mutation. Le taux de réponse objective et le taux de contrôle des EPM par les TKI étaient de 78,2% et 83,6% respectivement. La SSPE médiane était de 15,4 mois (IC 95% : 4,72-25,2 mois) avec 87% de patients sans progression de l’EPM à 3 ans. L’analyse univariée a révélé que les patients avec un performance status de 0 ou 1 et une mutation de type délétion de l’exon 19 étaient ceux avec un risque réduit de progression de l’EPM. Cette association était confirmée en analyse multivariée pour la délétion de l’exon 19.

Ces études confirment le fait que les patients avec un CBNPC et une addiction oncogénique représentent une catégorie particulière dont la prise en charge doit être adaptée. Néanmoins, l’hétérogénéité entre le type d’addiction oncogénique mais aussi entre les différents types de mutations soulèvent l’importance d’études dédiées dans chacun de ces groupes pour identifier leurs variabilité pronostique et thérapeutique.


Marion Ferreira, Service de pneumologie et explorations fonctionnelles respiratoires, CEPR INSERM U1100, CHRU Bretonneau Tours, Boulevard Tonnellé, 37000 Tours.

D’après les communications de : 

  •  C. Gilbert. The presence of targetable mutations in metastatic non-small cell Lung cancer patients with malignant pleural disease is not associated with improved survival. Am J Respir Crit Care Med 2023; 207 : A2735 (Session A110)
  • K. Lee. Efficacy of Epidermal Growth Factor Receptor (EGFR) tyrosine kinase inhibitors for treatment of malignant pleural effusion in EGFR-mutant lung adenocarcinoma patients. Am J Respir Crit Care Med 2023; 207 :A2727 (Session A110)
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