Alexis Cortot Université de Lille, CHU Lille, Service de Pneumologie et Oncologie Thoracique, Centre National de la Recherche Scientifique,
INSERM, Institut Pasteur de Lille, UMR9020-UMR-S 1277-Canther, Lille
Si les liens entre pollution et cancer restent encore complexes et mal élucidés, une étude parue dans la revue Nature en 2023 a marqué une étape importante. Où en est-on aujourd’hui de la compréhension de ces phénomènes ? Et quels enseignements en tirer pour prévenir la maladie, tant en termes de santé publique que de comportements individuels ?
L’imputabilité de la pollution dans la survenue du cancer du poumon est une idée qui a émergé dans les années 1950, à une époque où l’incidence du cancer du poumon explosait parallèlement à l’essor industriel massif de l’après-guerre. C’est d’ailleurs Sir Richard Doll qui fut l’un des premiers à avancer cette hypothèse, dans l’introduction d’un article publié dans le British Medical Journal en 1950, resté fameux pour avoir révélé pour la première fois le lien entre le cancer du poumon et un autre facteur environnemental majeur, le tabac1. Il faudra attendre quelques décennies supplémentaires et la réalisation d’études épidémiologiques de très grande envergure pour confirmer l’intuition de Sir Doll et mettre en évidence l’association entre pollution et cancer du poumon. Nous abordons ici quelques questions clés à ce sujet, en évoquant notamment la parution d’un article majeur dans la revue Nature l’année dernière.
La pollution augmente-t-elle le risque de cancer du poumon ?
Oui, incontestablement. Le Centre International de Recherche sur le Cancer a classé en 2013 la pollution de l’air en agent carcinogène de groupe 1 — cancérogène certain pour l’homme — considérant que les preuves étaient suffisantes pour affirmer que la pollution de l’air provoque la survenue de cancers du poumon. Les matières particulaires (particulate matter, PM) ont également été classées dans ce groupe. Cette décision arrive comme l’aboutissement d’une série d’études épidémiologiques et biologiques ayant petit à petit démontré ce lien. Deux très larges études, ESCAPE et CPS-II, sont notamment à mentionner.