Aspergillose pulmonaire invasive chez les immunodéprimés, les non-immunodéprimés en réanimation et chez les patients Covid.


Dans le spectre des manifestations pulmonaires liées à Aspergillus, l’aspergillose pulmonaire invasive (API) est la forme la plus immédiatement menaçante. Si cette complication est familière aux médecins prenant en charge des patients immunodéprimés avec ou sans neutropénie, elle peut aussi se rencontrer chez des patients considérés comme non–immunodéprimés. Tout pneumologue peut être amené à discuter une API chez l’un de ses patients et doit donc en connaître les bases diagnostiques. Lors d’un symposium de l’ATS 2021 (B003) consacré aux infections fungiques, 3 présentations portaient sur l’API.

La présentation de S.E. Evans (Houston, TX, USA) portait sur les recommandations de pratique clinique de l’ATS auxquelles il a contribué 1 2 3Chez un patient immunodéprimé suspect de présenter une AI :
1) le dosage de galactomanane dans le sérum comme le LBA a une bonne sensibilité et une bonne spécificité, les performances diagnostiques les meilleures étant obtenues avec un seuil de positivité à 1.0 ;
2) la recherche d’Aspergillus par PCR dans le sérum comme dans le sang a une bonne valeur diagnostique avec une amélioration des performances diagnostiques permise par la répétition du test. Il faut se souvenir du fait qu’aucun de ces tests n’a de valeur diagnostique formelle.

E. Azoulay (Hôpital St Louis, Paris) a abordé le problème de l’infection aspergillaire chez les patients de réanimation, non-immunodéprimés. La prévalence d’isolement du champignon à partir des voies aériennes inférieures est assez rare dans ce contexte, estimée à 0.5 à 1% des patients. Les cas d’AI confirmée sont encore plus rare avec d’après l’auteur une prévalence de 0.1 à 0.2%. Néanmoins il existe des sous-groupes dans lesquels la prévalence d’isolement d’Aspergillus à partir des voies aériennes est supérieure. Par ordre de risque croissant, c’est le cas de la BPCO sous corticoïdes, du SDRA (avec pour ce dernier groupe des chiffres de prévalence autour de 8-10%), de l’assistance extra-corporelle par oxygénateur à membrane, et du SDRA compliquant une grippe. Ce dernier cas est associé à une prévalence d’AI estimée à 20%. Par analogie, les cas d’AI associée à un Covid 19 grave (définis par l’acronyme CAPA en anglais) sont bien décrits mais on manque encore de recul pour fixer la prévalence avec précision. Dans ce contexte l’AI se présente sous une forme pulmonaire ou sous la forme d’une trachéobronchite aspergillaire. Pour ce qui concerne le diagnostic des infections aspergillaires chez le patient de réanimation, il est proposé de distinguer 1) l’AI prouvée (histologie ou culture à partir d’un site normalement stérile ; 2) l’AI putative (association d’Aspergillus dans voies aériennes basses + signes et symptômes compatibles + imagerie compatible + facteur de risque d’IA ou culture semi-quantitative positive à Aspergillus sur le LBA (des propositions plus récentes font une place à la recherche de galactomanane dans le serum ou le LBA). Le thème des infections aspergillaires se développant chez les patients hospitalisés pour Covid 19 a été abordé plus en détail par K. Pennington (Toronto Canada). Les critères diagnostiques définissant l’AI chez un patient hospitalisé pour Covid 19 (CAPA) sont les suivants 4 :
1) CAPA prouvé dont les critères sont les mêmes que ceux de l’AI prouvée  (voir supra) ;
2) CAPA probable sous forme de trachéobronchite aspergillaire (trachéobronchite + LBA avec ex direct/culture/PCR >0 ou galactomanane >0 dans le LBA ou le sérum ;
3) probable CAPA avec atteinte parenchymateuse (image pulmonaire inexpliquée ou lésion cavitaire + LBA avec ex direct/culture/PCR >0 ou galactomanane >0 dans le LBA ou le sérum). On remarque qu’on ne fait pas appel comme chez l’immunodéprimé à la notion de facteurs de risque d’AI (le Covid19 suffit). Avec ces définitions, l’incidence de CAPA est estimée se situer entre 3 et 35% des patients admis en réanimation pour Covid 19, la grande variété pouvant s’expliquer notamment par la difficulté de distinguer chez ces patients l’infection de la colonisation et par l’existence de faux positifs de la recherche de galactomanane dans le LBA. La fréquence de positivité des recherches d’Aspergillus dans les voies aériennes basses serait plus proche de celle rencontrée dans les pneumonies bactériennes que dans la grippe grave. Pour l’auteur, le développement du CAPA ne serait qu’en partie due à l’effet direct de l’infection Covid sur le poumon mais serait plus à, relier aux comorbidités associées (transplantation d’organe, obésité, BPCO, diabète, cancer), aux traitements entrepris (corticoïdes, anti IL6, ECMO, antibiotiques) ou à la lymphopénie.

Hervé Mal, Service de pneumologie et transplantation pulmonaire, Hôpital Bichât, Paris


D’après les communications de

 S.E. Evans: ATS fungal diagnosis guidelines: what’s in there about pulmonary aspergillosis?
E. Azoulay : Aspergillus in the critically ill: underrecognized foe ?
K. Pennington : Should we be especially worried about fungal infections in the COVID-19 patient?
Session B003 : Making fungal infections exciting again : pressing questions in pulmonary and critical practice

  1. C. Hage. Microbiological laboratory testing in the diagnosis of fungal infections in pulmonary and clinical practice. Am J Respir Crit Care Med 2019; 200 : 535-50
  2. Q. Haydour. Diagnosis of fungal infections. A systematic review and meta-analysis supporting American Thoracic society practice guidelines. Ann Am Thorac Soc 2019; 16 : 1179-88
  3. C. Hage. Summary for clinicians : microbiological laboratory testing in the diagnosis of fungal infections in pulmonary and critical care practice. Ann Am Thorac Soc 2019 ; 16 : 1473-7
  4. P. Koehler. Defining and managing Covid-19-associated pulmonary aspergillosis : the 2020 ECMM/ISHAM consensus criteria for research and clinical guidance. Lancet Inf Dis 2020 (on line)
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