vigilance

Rire chimique : les poumons ne sont pas toujours à la fête

En médecine, le protoxyde d’azote est utilisé via un masque pour son effet analgésique, mais ce n’est pas uniquement un gaz médical : on le trouve dans les bonbonnes de crème chantilly (où il sert de
gaz propulseur dans les siphons) et est utilisé dans des recettes de « cuisine moléculaire ». Par ce biais, il est donc très facile d’en
acheter. Dans une mise au point publiée par La Revue du Praticien, Yannick Auffret, urgentiste, évoque les risques liés à l’inhalation festive de protoxyde d’azote. 1 Cette pratique n’est pas toujours connue des médecins, bien qu’elle semble largement répandue chez les jeunes fêtards. Selon les données rapportées par l’auteur, une enquête publiée en 2003 révélait qu’en Nouvelle-Zélande, 57 % des étudiants connaissaient cette pratique et 12 % inhalaient ce gaz. Entre 2013 et 2014, une autre étude révélait qu’en Angleterre et au pays de Galles, près de 6 % des 16-24 ans consommaient du protoxyde d’azote lors des festivals ou des soirées étudiantes, chiffre évalué entre 29 à 39 % en 2016 en Angleterre. Ces inhalations peuvent aboutir à une véritable addiction et entraîner de graves complications. Les témoignages de consommateurs montrent que l’emploi du protoxyde d’azote risque de devenir une véritable
addiction au même titre que les autres drogues, et les doses inhalées peuvent augmenter rapidement et devenir massives, dépassant 60 bouffées par soirée. Les doses toxiques sont ainsi aisément dépassées.

Troubles neurologiques et pneumothorax
L’emploi récréatif et répété de ce gaz n’est pas anodin : une métaanalyse recense des risques de complications neuropsychiatriques dans 79 % des cas et pulmonaires (aiguës et chroniques) dans 5 %
des cas ; mais aussi et surtout, plus de 30 % de décès (29/91) liés à cette pratique (par hypoxie). Ce risque létal est connu depuis plus de 40 ans. Les troubles sont liés à un déficit en vitamine B12  induit par le protoxyde d’azote. Les troubles pulmonaires, plus rares, sont liés à la toxicité du gaz, certains patients ayant plusieurs atteintes en même temps. Le protoxyde d’azote génère des polyneuropathies, neuropathies périphériques, paresthésies, troubles de la marche et de la coordination, et plus rarement, au niveau pulmonaire, des emphysèmes sous-cutanés, pneumothorax, pneumomédiastins
et dyspnées de repos. Au niveau psychiatrique, les troubles décrits sont des dépressions, des hallucinations, des suicides et des psychoses.

Crème chantilly et pneumothorax
En contexte festif, le protoxyde d’azote est le plus souvent aspiré à l’aide de l’appareil permettant de servir la crème chantilly. Les lésions de types pneumomédiastin, pneumothorax et emphysème souscutané
sont induites par l’augmentation de la pression dans les voies  respiratoires. Le mécanisme physiopathologique en cause est le même que celui observé chez les consommateurs de drogues, qui utilisent la manoeuvre de Valsalva et/ou le bouche-à-bouche pour augmenter la diffusion des drogues. La mortalité rapportée dans ce contexte est liée au mode d’utilisation, qui peut entraîner des hypoxies sévères et, dans les cas les plus graves, mener au décès de l’utilisateur.
Les médecins doivent connaître cette pratique chez les jeunes et savoir en initier la prise en charge plaide Yannick Auffret qui pose ces questions : tout trouble neurologique atypique ne cache-t-il pas
un consommateur de protoxyde d’azote ? Tout pneumomédiastin ou pneumothorax dit idiopathique l’est-il vraiment ?

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InfoRespiration N°152– Août-septembre 2019

 

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Adrénaline à inhaler, retour. Est-ce une bonne idée ?

The Medical Letter nous apprend que la FDA des États-Unis a approuvé la vente libre (over-the-counter : OTC) de l’adrénaline à inhaler vendue sous la marque
Primatene Mist. Cela se passe aux États-Unis et ne concerne pas la France. Cet agoniste alpha et bêta non sélectif est destiné à soulager temporairement les symptômes légers d’asthme intermittent chez les patients âgés de 12 ans et plus avec un diagnostic d’asthme léger intermittent posé par un professionnel
de la santé. Le produit n’est pas vraiment nouveau puisque la version originelle de Primatene Mist avait été homologuée par la FDA en 1967, puis disparue du
marché en 2011 parce que l’inhalateur-doseur contenait du chlorofluorocarbone (CFC) comme propulseur, un gaz nocif pour la couche d’ozone ; le nouvel inhalateur-doseur utilise un hydrofluoroalcane (HFA) comme gaz propulseur.
Le nouvel inhalateur Primatene Mist délivre 0,125 mg d’adrénaline par inhalation ; il contient 160 doses mesurées, est muni d’un compteur indiquant approximativement le nombre de doses qu’il reste dans l’inhalateur. Le dosage recommandé est de 1-2 inhalations toutes les 4 heures, avec un maximum de 8 inhalations par 24 heures. La monographie du produit conseille aux patients de consulter un médecin si les symptômes ne s’améliorent pas après 20 minutes ou s’ils s’aggravent, si supérieures à 8 inhalations sont nécessaires par 24 heures ou s’ils présentent plus de 2 crises d’asthme par semaine. Les patients doivent être informés d’agiter et d’amorcer l’inhalateur avant chaque inhalation (4 pressions dans l’air avant la première utilisation et 1 pression avant chaque inhalation suivante). Le dispositif doit être nettoyé après chaque jour d’usage pour empêcher qu’il se bouche. Dans les études cliniques, l’effet indésirable le plus fréquemment rapporté avec le nouvel inhalateur a été des tremblements (10 %). Les autres effets indésirables incluent des irritations pharyngées, des glossodynies, une toux, des bronchites, des irritations des voies respiratoires, une agitation et des vertiges.
L’adrénaline en inhalation peut augmenter la pression artérielle et la fréquence cardiaque. Une mauvaise utilisation ou un abus du médicament par des inhalations excessives ou injection intraveineuse d’adrénaline peut provoquer des effets indésirables graves et potentiellement mortels. Inquiétudes — The Medical Letter relève que de nombreuses organisations, y compris l’Allergy and Asthma Network, l’American Association for Respiratory Care, l’American College of Allergy, Asthma and Immunology, l’American Academy of Allergy, Asthma and Immunology, l’American College of Chest Physicians, l’American
Lung Association, l’American Thoracic Society et l’American Association of Asthma Educators s’inquiètent que l’utilisation de Primatene Mist seul masque les symptômes d’asthme et que les patients l’utilisent pour traiter eux-mêmes leur asthme, ce qui pourrait retarder le traitement des exacerbations et résulter en une prise en charge inadéquate d’un asthme chronique. Il existe une autre préoccupation, spécifiquement nord-américaine : celle que les patients utilisent le produit en vente libre pour remplacer les médicaments sur ordonnance plus coûteux recommandés pour le contrôle de l’asthme. Aux États-Unis, le coût d’un inhalateur Primatene Mist est de 29,99 USD.

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InfoRespiration N°150– Mai 2019

The Medical Letter. On Drugs and Therapeutics. Édition française. Vol. 41 N°04 (ML
USA N° 1564) 22 février 2019.

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Témoin d’une pratique non conforme, lancez l’alerte

Afin de faciliter la déclaration des signalements faits par les lanceurs d’alerte et de renforcer leur suivi, l’ANSM met en place une procédure via une adresse spécifique : lanceur.alerte@ansm.sante.fr. Cette procédure s’inscrit dans le cadre de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (Loi dite « Sapin 2 »). L’adresse lanceur.alerte@ansm. sante.fr accessible sur la page d’accueil du site de l’ANSM permet à toute personne qui en a personnellement connaissance de signaler facilement toute violation grave d’une loi ou d’un règlement ou toute menace grave à l’intérêt général, concernant des produits de santé ou à finalité cosmétique destinés à l’homme ou des activités relevant du champ de compétence de l’ANSM. Il peut s’agir de pratiques non conformes d’un opérateur intervenant sur ces produits (fabricant, distributeur, par exemple) ou de toute menace grave pour la santé publique liée à un produit de santé. Ne relèvent pas de cette procédure les autres signalements qui bénéficient de déclarations spécifiques : les signalements de défaut qualité, d’effets indésirables ou d’erreurs médicamenteuses et les signalements de ruptures de stock. Par cette procédure, l’agence garantit l’examen du signalement, une première réponse à son auteur dans des délais très courts et le strict respect de la confidentialité des informations recueillies et de l’identité du lanceur d’alerte, qui bénéficie également des mesures de protection prévues par la loi, notamment vis-à-vis de son employeur. Les suites données par l’agence à ces signalements peuvent être diverses : déclenchement d’une inspection, analyse d’un produit par les laboratoires de contrôles de l’agence, vérification des dossiers initialement soumis par les opérateurs, etc.

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InfoRespiration N°150– Mai 2019

 

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Plus de 16 000 professionnels de santé touchés par une fuite de données

Le 30 janvier 2019, TICsanté a rapporté que plus de 16 000 adresses de courrier électronique de professionnels exerçant dans des établissements sanitaires français, « souvent publiées avec le mot de passe associé », ont été divulguées sur une plateforme en ligne. L’alerte provenait de la cellule d’accompagnement cybersécurité des structures de santé (ACSS).
La cellule ACSS a été créée fin 2017 par le ministère des Solidarités et de la Santé, et travaille en lien avec l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (Asip santé) et les agences régionales de santé (ARS). Dans une alerte; publiée sur son site internet, elle indique que des professionnels de santé français ont été concernés par une fuite massive de données ayant eu lieu mercredi 16 janvier à l’échelle internationale. « Si beaucoup de données sont anciennes, les cybercriminels vont très probablement
utiliser ces données pour élaborer des escroqueries de phishing et recourir au chantage », a prévenu la cellule ACSS du ministère des Solidarités et de la Santé. Pour que les personnes puissent vérifier si leur adresse fait partie des fichiers divulgués, elle a conseillé d’utiliser le site Haveibeenpwned.com en saisissant l’adresse concernée dans le moteur de recherche qui s’affiche en page d’accueil. Ce site indique si une adresse apparaît dans des fuites de données, et peut renseigner sur l’origine de la fuite. Cette information « ne signifie pas forcément que ces données soient en danger, mais il convient par mesure de précaution de changer le ou les mots de passe associés au compte », précise la cellule ACSS. Elle a rappelé que pour « faire face à ce genre de problème récurrent », il faut respecter certaines bonnes pratiques de gestion des mots de passe — complexité, renouvellement fréquent, usage unique, cloisonnement des usages privés et professionnels —, sensibiliser les utilisateurs et mettre en place des « dispositifs contraignants ».

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InfoRespiration N°150– Mai 2019

 

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Le Pneumorel (fenspiride) disparaît brutalement des ordonnances et des pharmacies

L’ANSM a décidé de suspendre les autorisations de mise sur le marché (AMM) des médicaments Pneumorel (comprimé et sirop), utilisés dans le traitement de la toux et de l’expectoration au cours des bronchopneumopathies, après échanges avec les autorités européennes et le laboratoire Servier qui commercialise le médicament en France.


Cette décision fait suite à l’identification d’un potentiel effet du principe actif, le fenspiride, sur la survenue de troubles du rythme cardiaque. Dans ce contexte, les lots présents dans les officines, les établissements de santé et chez les grossistes répartiteurs font l’objet d’un rappel le 8 février 2019.
En France, ce médicament est délivré sur ordonnance et ne fait pas l’objet d’un remboursement. Il est disponible sous forme de sirop (Pneumorel 0,2 pour cent, sirop) ou de comprimé (Pneumorel 80 mg, comprimé enrobé). Des cas de troubles du rythme cardiaque sous fenspiride avaient conduit l’ANSM et l’Agence européenne des médicaments (EMA) à demander la mise en place d’études expérimentales complémentaires. Les résultats de ces nouvelles études ont montré que le fenspiride est susceptible d’augmenter l’intervalle QT. Compte tenu d’une part de ces nouvelles données et, d’autre part, du caractère non indispensable de ces médicaments, l’ANSM a décidé de suspendre les AMM en raison d’un rapport bénéfice/risque devenu défavorable. Le rappel de lots fait suite à cette décision.

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InfoRespiration N°149 – Février 2019

Nicolas Postel-Vinay,
Hôpital Européen Georges-Pompidou, Paris
Déclare ne pas avoir de liens d’intérêt vis-àvis de ces articles.

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Oxygène en urgence : ce n’est pas toujours une bonne idée

L’oxygénothérapie est souvent considérée comme inoffensive et de ce fait est rapidement administrée, même en l’absence d’hypoxémie. Toutefois, une préoccupation croissante relève le risque potentiel de cette pratique. L’hyperoxie favoriserait la vasoconstriction, l’inflammation et le stress oxydatif sur les systèmes pulmonaire, cardiovasculaire et neurologique. Les guidelines sur ce sujet sont contradictoires et se basent sur des études contrôlées randomisées de qualité hétérogène. Ces doutes ont déjà été abordés dans Info Respiration lorsque nous présentions un nouveau système de délivrance d’oxygène évitant l’hyperoxie.1 Une revue systématique avec méta-analyse parue en 2018 vient conforter nos craintes sur le fait que l’excès d’oxygène peut être néfaste pour nos patients, comme le résume la Revue Médicale Suisse. 2 Ce travail a sélectionné 25 essais contrôlés randomisés, en comparant une oxygénothérapie libérale (SpO4 ; 93,4- 98 % ; FiO2 médiane : 0,21) chez des patients nécessitant une hospitalisation en unités de soins aigus (états de choc, sepsis, infarctus, ACR [arrêts cardiorespiratoires], AVC, polytraumatismes ou chirurgies d’urgence).
Les analyses, réunissant un total de 16 037 patients, suggèrent qu’une oxygénothérapie libérale augmente la mortalité à l’hôpital (risque relatif [RR] : 1,21 ; risque absolu (RA) : 1,1 % ; p 5 0,02), mais également à long terme (médiane de trois mois ; RR : 1,14 ; RA : 1,2 % ; p 5 0,044). Une relation temporelle et dose-réponse est relevée.L’incidence de pneumonie nosocomiale dans les deux groupes est identique (RR : 1,00 ; p 5 0,71), tout comme la survenue d’autres infections (RR : 0,95 ; p 5 0,67). Cependant, en analysant spécifiquement les patients nécessitant une chirurgie en urgence, il semblerait que ces derniers présentent moins d’infections sous oxygénothérapie libérale (RR : 0,50 ; p < 0,0001) commentent Pillet, et al.2 Enfin, après un AVC aigu, une oxygénothérapie libérale n’améliore pas le pronostic de handicap évalué par l’échelle de Rankin modifiée (mRS > 2 à 3-6 mois : RR : 1,00)

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InfoRespiration N°149 – Février 2019

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Association bêta-2-mimétiques et corticostéroïdes inhalés : pas de risque augmenté

On se souvient que les bêta-2-mimétiques à longue durée d’action (LABA) ont longtemps été soupçonnés d’entraîner une mortalité accrue chez les asthmatiques traités. À tel point qu’en 2010, la Food and Drug Administration (FDA) américaine a mandaté les principaux producteurs de LABA à réaliser des études de sûreté comme le rappelle la Revue médicale suisse.1 L’heure est au recul avec des résultats rassurants synthétisés par Horisberger, et al. Quatre études ont ainsi comparé un traitement combiné de corticostéroïdes inhalés (ICS) 1 LABA à un traitement d’ICS seuls. Les quelque 36 000 participants souffraient d’un asthme modéré à sévère, pour lequel la grande majorité avait déjà reçu des corticostéroïdes systémiques. Les résultats de ces études aux méthodes harmonisées ont fait l’objet d’une évaluation par une commission indépendante. Les événements sévères liés à l’asthme (hospitalisation, intubation et/ou décès) ne différaient pas entre les deux groupes et les cas de décès se sont avérés exceptionnels.
Les patients sous traitement combiné ont présenté moins d’épisodes d’exacerbations (diminution du risque relatif de 17 %). Deux autres études ont comparé un traitement par ICS 1 LABA pris à la demande au traitement par ICS en continu dans l’asthme modéré. Concernant le contrôle des symptômes d’asthme au quotidien, le traitement d’ICS 1 LABA pris à la demande a démontré un léger bénéfice par rapport à un traitement de bêta-2-mimétique à courte durée d’action à la demande, la première modalité restant néanmoins un traitement d’ICS en continu. La réduction du risque d’exacerbations asthmatiques est par contre du même ordre entre le traitement combiné à la demande et celui par ICS en continu. Cela a été confirmé par une autre étude indépendante. Dans ces deux études, le taux d’exacerbations sous traitement d’inhalation maximal était de 10 %. Sur la base de ces études, les auteurs déduisent que la combinaison ICS 1 LABA n’est pas associée à un risque augmenté de complications graves par rapport au traitement d’ICS en continu. Aussi peut-elle être envisagée comme traitement à la demande chez les patients souffrant d’un asthme modéré.
En pratique, les patients doivent être informés du risque d’anévrisme et de dissection aortique. Ils doivent être avertis de la nécessité d’une prise en charge immédiate par un médecin au sein d’un service d’urgence en cas d’apparition brutale d’une douleur intense abdominale, thoracique ou dorsale.

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InfoRespiration N°149 – Février 2019

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Ruptures de stock de médicaments : conséquence d’une production à flux tendu et délocalisée de part le monde

De plus en plus fréquentes, les pénuries de médicaments constituent un problème majeur de santé publique. L’ANSM explique pourquoi.

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) dans un article publié dans La Revue du Praticien note que les ruptures de stocks de médicaments se multiplient avec des conséquences qui peuvent être majeures 1  Nous en reprenons ici un extrait qui expose les origines du problème.
Il peut s’agir de tensions d’approvisionnement lorsque des médicaments sont disponibles mais en quantité insuffisante pour répondre aux besoins. Dans certains cas, le laboratoire est dans l’impossibilité de fabriquer un médicament, entraînant une rupture d’approvisionnement des pharmacies de ville ou hospitalières qui sont dans l’incapacité de dispenser ce médicament à un patient. On parle alors de rupture de stock.
Le nombre de signalements de ruptures et risques de rupture de stock des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (voir note), à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), a été multiplié par 10 entre 2008 et 2013, s’est stabilisé jusqu’en 2016 (400 par an), puis a augmenté de 30 % en 2017 avec 538 signalements.
Les causes des ruptures de stock sont multifactorielles. Cependant, elles sont principalement liées à la mondialisation de la production des médicaments, qui induit une fragmentation et une complexification de la chaîne de fabrication et de distribution — de nombreux prestataires et sous-traitants étant répartis sur toute la planète — et qui par conséquent fragilise le système.

Des principes actifs fabriqués en Chine et en Inde
La pression économique conduit l’industrie pharmaceutique à rechercher les fournisseurs les moins chers pour les différents composants du médicament. Cette rationalisation des coûts de fabrication a incité les laboratoires à délocaliser leurs sites de production à l’étranger et à produire leurs médicaments à flux tendu. À ce jour, 80 % des principes actifs entrant dans la composition des médicaments vendus en Europe sont fabriqués en dehors du territoire européen, principalement en Chine et en Inde contre 20 % il y a trente ans. La moindre défaillance d’un des acteurs intervenant dans le processus de fabrication du médicament peut créer une rupture de stock, avec une possible répercussion internationale. On observe donc comme causes principales de ruptures de stock des problèmes liés à l’outil de production et aux difficultés d’approvisionnement en matières premières.
En effet, pour certaines matières premières, on constate une raréfaction des sites de production, voire l’existence d’un seul site au niveau mondial. Des défauts de qualité survenant au cours de la fabrication ou une augmentation de la demande mondiale en médicaments, en particulier des pays émergents, sont d’autres causes fréquemment rapportées.
Enfin, des ruptures de stock peuvent être également consécutives à des arrêts de commercialisation.

Médicaments anti-infectieux et anticancéreux notamment concernés
Les trois classes thérapeutiques les plus impactées par ces ruptures de stock en 2017 en France étaient les médicaments anti-infectieux (administrés par
voie générale), les médicaments du système nerveux et les médicaments anticancéreux. Les ruptures de ces médicaments totalisent à elles seules plus de la moitié de l’ensemble des ruptures de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur déclarées à l’ANSM en 2017. Parmi les anti-infectieux, on trouvait principalement des antibiotiques injectables ainsi que des vaccins, médicaments relevant d’une fabrication longue et complexe.

Comment remédier à ce problème ? Les auteurs notent que les stratégies déployées à l’échelon national pour limiter les conséquences de l’indisponibilité
du médicament pour le patient ne peuvent apporter que des solutions partielles. Et d’ajouter : du fait de la complexité et de l’impact international du phénomène, il ne pourra y avoir de réponse efficace sans un plan stratégique décidé au niveau européen qui devrait prévoir un outil de surveillance
permettant de mettre en place une organisation centralisée des ruptures de stock. Cette collaboration entre les pays européens est indispensable si l’on veut assurer une meilleure sécurisation de la production de médicaments et de l’approvisionnement en matières premières.

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Selon l’article L. 5111-4 du Code de la santé publique, les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur sont des médicaments ou des classes de médicaments pour lesquels une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients à court et moyen terme, ou représente une perte de chance importante pour les patients au regard de la gravité ou du potentiel évolutif de la maladie.

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InfoRespiration N°149 – Février 2019

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Se « décongestionner » avec de la pommade en cas d’infections respiratoires banales ? Non merci !

La revue Prescrire rappelle que l’usage de la pommade Vicks aux allures inoffensives ne doit pas être banalisé.

La revue Prescrire nous informe que début 2018, le centre régional de pharmacovigilance Nord-Pas-de-Calais a rapporté une série d’observations d’effets indésirables et d’usages à risque de la pommade Vicks Vaporub, commercialisée en France comme décongestionnant dans les affections respiratoires banales chez les adultes et les enfants âgés de 6 ans et plus. 1, 2, 3

Cette pommade est présentée pour être appliquée sur la poitrine ou sur le cou, ou mélangée à de l’eau en inhalation.3

Elle contient des dérivés terpéniques concentrés, qui exposent à une toxicité neurologique, notamment à des convulsions : camphre, lévomenthol, huile essentielle d’eucalyptus, thymol.2, 3

Quelques observations détaillées d’effets indésirables liés à l’application de pommade Vicks Vapurub ont été publiées dont des pneumopathies lipidiques après applications sur le nez, même sans application intranasale, sur une longue durée ; des convulsions ; des taches de dépigmentation sur le visage.7 8

Par voie cutanée, le passage des dérivés terpéniques dans la circulation générale augmente avec la quantité appliquée, la durée de l’exposition et sous pansement occlusif, comme cela semble être pratiqué sur le ventre, de façon prolongée, à visée amaigrissante.2

En pratique, les médicaments qui contiennent un concentré de dérivé terpénique exposent à des effets indésirables graves, surtout en cas d’utilisation augmentant leur absorption. « Voilà de quoi ne surtout pas banaliser ces médicaments, même à visée locale », met en garde Prescrire

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Nicolas Postel-Vinay, Hôpital Européen Georges-Pompidou

L’auteur n’a déclaré aucun lien d’intérêt en relation avec cet article.

InfoRespiration N°148 – Décembre 2018

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Quand le fer fait fausse route, un accident respiratoire est possible

La revue Prescrire rapporte le récent travail (juin 2018) d’une équipe portugaisequi a analysé la trentaine d’observations publiées concernant des fausses routes avec des comprimés à base de fer.1, 2

Prescrire nous rappelle que le fer a un effet corrosif connu sur la muqueuse digestive, avec des troubles digestifs fréquents pendant le traitement. Les comprimés de fer inhalés accidentellement causent des brûlures chimiques profondes de la muqueuse bronchique, avec des conséquences immédiates et parfois des séquelles.2 4Passé dans les voies respiratoires, un comprimé de fer inhalé se délite, causant des inflammations parfois graves avec nécroses, saignements, voire sténoses bronchiques et/ou atélectasies pulmonaires.2 6

La littérature avait ainsi rapporté cette observation spectaculaire d’une femme âgée de 36 ans, enceinte de 8 mois, ayant consulté un service des urgences pour une toux sévère et une dyspnée.3 Elle prenait chaque jour des comprimés de fer. La laryngoscopie étant normale, et la patiente était sortie. Une semaine plus tard, elle a expectoré un comprimé de fer dans un effort de toux alors que les symptômes pulmonaires persistaient.

Après l’accouchement, un diagnostic d’asthme a été porté et les troubles ont persisté pendant des mois malgré une corticothérapie. Un scanner thoracique a alors été réalisé, montrant une atélectasie des lobes inférieur et médian droit. La bronchoscopie a montré une sténose de la bronche intermédiaire. Une dilatation et la pose d’un stent n’ont pas permis la réexpansion des deux lobes pulmonaires et une bilobectomie a été effectuée.

En pratique, conclut Prescrire, la constatation de symptômes pulmonaires chez des patients prenant des comprimés de fer doit faire envisager la fausse route d’un comprimé. Il faut alors intervenir rapidement avant la constitution de séquelles. L’information des patients les incitera à consulter sans attendre

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Nicolas Postel-Vinay, Hôpital Européen Georges-Pompidou

L’auteur n’a déclaré aucun lien d’intérêt en relation avec cet article.

InfoRespiration N°148 – Décembre 2018

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