Sevrage tabagique : répéter les tentatives avec les patchs de nicotine plutôt qu’utiliser la varénicline ?
La revue Prescrire vient de reprendre les données sur l’efficacité et la tolérance de la varénicline, un agoniste partiel des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine, autorisée dans l’Union européenne dans le sevrage du tabac chez les adultes depuis 2006. Selon cette revue, la varénicline est jugée « un peu plus efficace » que des patchs de nicotine dans l’arrêt de la consommation de tabac.1 Un propos nuancé car trois essais randomisés chez 2 138 fumeurs ont montré que la varénicline n’est pas plus efficace à six mois et à un an que l’association avec les patchs de nicotine d’action rapide à la demande. L’essentiel des données proviennent d’une synthèse méthodique du Réseau Cochrane qui a recensé les essais randomisés varénicline versus
placebo, ou versus autre médicament du sevrage tabagique, avec une durée de suivi d’au moins six mois.2
Comparée au placebo — ou à l’absence de médicament —, la varénicline est efficace à la dose de 1 mg deux fois par jour selon 27 essais totalisant 12 625 patients : au bout de six mois, 26 % des patients des groupes varénicline avaient cessé de consommer du tabac, versus 11 % des patients des groupes placebo. Au bout d’un an, 23 % des patients des groupes
varénicline avaient cessé de fumer versus environ 7 % des groupes placebo (p < 0,001 pour les deux comparaisons).2 Mais la différence est logiquement moins nette versus substituts nicotiniques (patch). Une méta-analyse de huit essais randomisés totalisant 6 264 patients, comparant varénicline versus nicotine sous forme de dispositif transdermique. Au bout de six
mois, 24 % des patients des groupes varénicline avaient cessé de consommer du tabac versus 19 % des patients des groupes nicotine (p < 0,001).
Les résultats sont similaires quand l’analyse ne porte que sur les cinq essais réalisés en aveugle. 2
Nausées et troubles du sommeil
Le jugement sur les critères de sécurité est plutôt rassurant. De fait, la synthèse Cochrane n’a pas mis en évidence de risque accru de dépression ou d’idées suicidaires et la fréquence des effets indésirables neuropsychiques graves a été du même ordre entre les groupes varénicline et placebo. Aucune mort attribuée aux médicaments n’a été rapportée dans
les essais inclus dans la synthèse. Selon la méta-analyse Cochrane de vingtet- un essais randomisés varénicline versus placebo totalisant environ 8 500 patients, les effets indésirables cardiaques graves ont été de fréquence voisine sous varénicline et sous placebo.4 Dans une vaste cohorte suédoise d’environ huit millions de personnes, dont environ 70 000 personnes ont
pris de la varénicline, aucune association statistique n’a été mise en évidence entre la prise de varénicline et des actes criminels, attitudes suicidaires, infractions et accidents de la route, survenue de troubles psychiques.Cependant, chez les personnes déjà atteintes de troubles psychiques, la prise de varénicline a été associée à un risque accru d’anxiété (risque relatif [RR] 5 1,23). La tolérance n’est pas toujours au rendez-vous : nicotine et varénicline exposent principalement à des nausées, maux de tête, troubles du sommeil — insomnies, somnolences, rêves anormaux — et à des symptômes de sevrage à l’arrêt du médicament. Les nausées et les troubles du sommeil ont été plus fréquents dans les groupes varénicline que dans les groupes nicotine rapporte Prescrire.
Fort de ces données, Prescrire juge préférable de porter son premier choix sur les dispositifs transdermiques de nicotine : « il est préférable de renouveler les tentatives avec la nicotine, plutôt que de recourir à la varénicline, dont les effets indésirables graves sont rares, mais avérés ». Remarquons que Prescrire n’évoque pas dans son analyse la préférence des patients ni la prise en compte du vécu des échecs antérieurs.
Nicolas Postel-Vinay, Hôpital Européen Georges-Pompidou, Paris
InfoRespiration N°145- juin 2018