Le remodelage bronchique dans l’asthme : à la racine de tous nos problèmes

Le remodelage bronchique se manifeste sur le plan histologique par différentes atteintes : une altération de la barrière épithéliale, un épaississement de la lame basale, une prolifération du muscle lisse bronchique, une augmentation de l’importance des cellules à mucus et une néo-angiogenèse. Ces altérations histologiques sont associées à la dégradation de la fonction respiratoire et à l’aggravation de leur présentation clinique.

Le remodelage bronchique : l’œuf ou la poule ?

Les travaux de l’équipe bordelaise qui nous ont été présentés aujourd’hui nous apportent des indications importantes sur le remodelage : non seulement il est hétérogène, mais il est surtout précoce et significatif dans l’histoire naturelle de la maladie.

En effet, l’étude P’tit-ASTHME (NCT02806466) a démontré par le biais de l’analyse de biopsies bronchiques que les enfants siffleurs d’âge préscolaire (« severe pre-school wheezer ») présentaient déjà un remodelage bronchique. Grâce à des outils statistiques avancés (Latent Class Analysis), les chercheurs ont démontré que deux types de remodelage bronchique étaient identifiables à partir d’un ensemble de critères histologiques : BR1 identifiable par un épaississement de la membrane basale, une augmentation de la masse musculaire lisse bronchique et une néoangiogenèse significative, et BR2 par des glandes muqueuses plus abondantes et une fibrose plus importante 1. S’il n’existait pas de marqueur clinique, biologique ou fonctionnel différenciant ces enfants a priori (année précédente), ceux-ci avaient néanmoins des évolutions cliniques foncièrement différentes. Les enfants présentant un remodelage de type BR1 avaient un taux d’exacerbation significativement plus élevé dans l’année suivante. Ces résultats se confirment par la suite jusqu’à 3 ans plus tard 2. De manière concordante, le taux de rémission de l’asthme était moins probable au décours de l’enfance en présence d’un remodelage BR1.

Le remodelage bronchique, dans toute sa complexité, apparait donc être une cible physiopathologique pertinente à cibler précocement.

L’identification du remodelage n’est pas inaccessible !

La réalisation d’examen aussi invasif qu’une fibroscopie bronchique apparait comme difficile à implémenter dans notre pratique courante. Dispose-t-on d’outils non invasifs et performant pour identifier le remodelage ? Le développement de la tomodensitométrie (TDM) thoracique, et en particulier des outils d’analyse quantitative de celle-ci, nous donne désormais accès à une évaluation plus fine de l’arbre trachéo-bronchique. Ont été rappelés des travaux de 2008 démontrant que des anomalies TDM, telles que l’épaississement de la paroi bronchique, étaient bien corrélées au remodelage bronchique identifié sur des biopsies bronchiques et associées à une altération plus importante du VEMS et une moins bonne réponse aux bronchodilatateurs3. Plus récemment, le développement d’un score évaluant les bouchons muqueux (mucus score plugging) et la quantification des zones de piégeage nous fournissent de nouveaux marqueurs scanographiques corrélés à l’atteinte histologique, l’atteinte fonctionnelle respiratoire et la présentation clinique.

L’IRM thoracique bénéficie aussi d’avancées relatives à l’évaluation de l’arbre trachéobronchique. Des outils se développent sur l’exploitation des données acquises en IRM sans injection de produit de contraste ni inhalation de gaz marqué. Parallèlement, l’IRM avec inhalation de 129Xepermet d’évaluer l’hétérogénéité de ventilation induite par l’obstruction des petites voies aériennes. La place potentielle de l’IRM thoracique en pratique clinique reste néanmoins à préciser.

La TDM thoracique nous donne désormais accès à des marqueurs corrélés au remodelage bronchique. Des biomarqueurs, notamment sériques, ont été annoncés comme en cours d’étude pour affiner sa reconnaissance.

Le remodelage bronchique n’est plus une fatalité !

Différentes stratégies thérapeutiques avec des effets intéressants sur le remodelage bronchique sont désormais disponibles. Le ciblage des voies inflammatoires impliquées dans la physiopathologie de l’asthme est une approche prometteuse. Dans l’étude VESTIGE, le traitement par dupilumab (anti-IL4Rα) est associé à une réduction significative du mucus plugging score et des volumes des bouchons muqueux. De manière intéressante, il existait une corrélation entre l’amélioration du mucus plugging score et l’amélioration du VEMS. Par ailleurs, l’intensité du remodelage bronchique pré-traitement évalué par TDM thoracique était corrélée positivement à la réponse au traitement. Sous tézépélumab (anti-TSLP), des constatations proches avaient été faites avec une réduction du mucus plugging score et une amélioration de la fonction respiratoire dans l’essai CASCADE 4.

Des effets intéressants ont aussi été observés avec la thermoplastie bronchique, technique d’endoscopie interventionnelle consistant en l’application d’une sonde thermique au contact des bronches pour réduire l’épaisseur de leur paroi. Dans un petit groupe de patient (n=17 traités vs 11 contrôle), la TDM thoracique de réévaluation à 2 ans confirmait la réduction de l’épaisseur de la paroi bronchique et des zones de piégeage gazeux 5.

Sur le plan médicamenteux, une étude de preuve de concept randomisée contre placebo, évaluant les effets du gallopamil (n=16 vs 15 placebo), un inhibiteur calcique, avait démontré un effet prometteur sur la réduction de la masse musculaire lisse bronchique à un an avec des effets intéressants sur la réduction des exacerbations pendant la phase de suivi 6.

Si actuellement, peu de stratégies ciblent spécifiquement des voies impliquées dans la biologie de la cellule musculaire lisse, les progrès dans la compréhension de la physiopathologie de la maladie ouvrent l’espoir de la découverte de nouvelles cibles.

À retenir

Le remodelage bronchique est un mécanisme physiopathologique apparaissant rapidement au cours de la maladie, avec des conséquences significatives sur l’histoire naturelle de l’asthme. L’amélioration de notre capacité à l’identifier et le qualifier, ainsi que le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques, nous amènent à développer des interventions précoces non plus seulement pour traiter la maladie, mais surtout la prévenir.


D’après la session SI03SANOFI|REGENERON « Qu’en est-il du remodelage bronchique dans l’asthme sévère en 2025 ? » du samedi 25 janvier 2025 et les communications : « Le remodelage est-il irréversible ? » d’Arnaud Bourdin (Montpellier)
« Pourquoi suis-je asthmatique ? » de Patrick Berger (Bordeaux)
« Le remodelage cause ou conséquence de l’asthme sévère ? » de Engy Ahmed (Montpellier)

  1. Fayon M, Beaufils F, Esteves P, et al. Bronchial Remodeling-based Latent Class Analysis Predicts Exacerbations in Severe Preschool Wheezers. Am J Respir Crit Care Med. 2023;207(4): 416-26.
  2. Beaufils F, Mondenx M, Fayon M, et al. Bronchial Remodeling Identifies New Endotypes in Severe Preschool Wheezers. Am J Respir Crit Care Med. 2024; 210(7):941-4.
  3. Aysola RS, Hoffman EA, Gierada D, et al. Airway remodeling measured by multidetector CT is increased in severe asthma and correlates with pathology. Chest 2008;134(6):1183-91.
  4. Nordenmark LH, Hellqvist A, Emson C, et al. Tezepelumab and Mucus Plugs in Patients with Moderate-to-Severe Asthma. NEJM Evid. 2023;2(10): EVIDoa2300135.
  5. Konietzke P, Weinheimer O, Wielputz MO, et al. Quantitative CT detects changes in airway dimensions and air-trapping after bronchial thermoplasty for severe asthma. Eur J Radiol 2018;107:33-8.
  6. Girodet PO, Dournes G, Thumerel M, et al. Calcium channel blocker reduces airway remodeling in severe asthma. A proof-of-concept study. Am J Respir Crit Care Med. 2015;191(8):876-83.
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