Fragilité, nutrition et réadaptation

Concept de fragilité et prévalence dans la BPCO

Le vieillissement est un processus multifactoriel, multisystémique et hétérogène qui, associé à une ou plusieurs pathologies chroniques, peut aboutir à une fragilité (frailty dans la littérature anglo-saxonne). Celle-ci est définie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme un syndrome clinique reflétant une diminution des capacités physiologiques de réserve et qui altère les mécanismes d’adaptation au stress, favorisant ainsi l’apparition de complications et augmentant la mortalité. Selon le stade d’évolution de la fragilité, ce processus est potentiellement réversible, au moins en partie.

Il n’existe en réalité pas une, mais des fragilités. Afin de mieux standardiser leur dépistage, et alors que de nombreux tests et échelles sont disponibles, l’OMS a proposé une méthode harmonisée intitulée ICOPE afin d’évaluer la capacité locomotrice, la vitalité, la capacité visuelle, la capacité auditive, la capacité cognitive, et la capacité psychologique. En pratique, cette première évaluation ne demande qu’une dizaine de minutes sur l’application ICOPE Monitor et la coexistence de plusieurs signes de fragilité peut nécessiter un avis gériatrique.

Bien qu’elle soit très variable dans la littérature selon la définition utilisée et l’âge des populations étudiées, on peut retenir que la prévalence de la fragilité au cours de la BPCO est importante chez la personne âgée. La sarcopénie, par exemple, est volontiers associée à une fragilité locomotrice et nutritionnelle. La présence d’une fragilité est corrélée à un pronostic péjoratif avec une mobilité réduite, des exacerbations aiguës plus fréquentes, une dégradation fonctionnelle et une dyspnée plus prononcée, un handicap avec dégradation de la qualité de vie 1.

Réadaptation chez la personne âgée fragile

Les différentes fragilités, fréquemment présentes en cas de maladie respiratoire chronique, compliquent la rééducation. En revanche, alors que la proportion de patient·es BPCO complétant un programme de réadaptation est réduite en cas de fragilité associée, environ deux tiers des patient·es avec BPCO et fragilité initiale ne remplissent plus les critères de fragilité à l’issue d’un programme suivi en totalité. Une amélioration est notamment observée sur l’endurance et la force musculaire, la dyspnée, la qualité de vie, les scores d’anxiété et de dépression, et la morbi-mortalité. Il existe donc un intérêt majeur à proposer une réadaptation chez la personne âgée BPCO fragile, et ce de manière précoce, afin d’anticiper des stades de fragilité trop sévères qui pourraient ne plus permettre la réalisation du programme 2, 3.

Le programme de réadaptation est idéalement identique à celui de patient·es plus jeunes, mais doit souvent être spécifiquement adapté aux fragilités avec une diversification des activités (par exemple, simuler la marche en restant assis sur une chaise, mobiliser les membres supérieurs, privilégier les séances en groupe, associer des activités cognitives, etc.). Chez ces patient·es souvent très sédentaires qui peuvent fréquemment présenter une activité physique habituelle hebdomadaire inférieure à 10 minutes, il s’agit également de modifier les comportements en encourageant une mobilité « sans y réfléchir » comme par exemple conseiller des tâches ménagères ou du jardinage, éloigner des objets du quotidien pour se forcer à se lever… Il est aussi possible de jouer sur un aspect « ludique » en utilisant un minuteur ou des repères visuels associés à des actions prédéterminées.

Intervention nutritionnelle

L’état nutritionnel est probablement insuffisamment pris en compte dans la réadaptation des patient·es présentant une maladie respiratoire chronique. Pourtant, la dénutrition (définie par un indice de masse corporelle (IMC) inférieur à 21 kg/m² et/ou un amaigrissement de 10 % sur les six derniers mois ou 5 % sur le dernier mois) est présente chez 20 % à 35 % des patient·es BPCO. Selon l’IMC, l’amaigrissement récent et le degré de fonte musculaire évalué à l’impédancemétrie par une diminution de l’indice de masse non-grasse, on observe de grandes variations du risque d’hospitalisation, d’accident cardiovasculaire ou de mortalité 4.

Plusieurs essais ont montré que l’ajout de compléments alimentaires en parallèle d’une réadaptation respiratoire pourrait permettre d’accroître les bénéfices de l’activité physique en termes de gains de force musculaire et d’endurance, de qualité de vie, et peut-être d’améliorer la survie 5, 6, 7 ,8. Les mécanismes potentiels sont multiples : effets positifs sur les processus anaboliques, accroissement de gain de masse non-grasse, diminution de l’inflammation systémique…

En dehors du contexte de réadaptation, agir sur l’alimentation est possible et souhaitable à tous les stades de la BPCO, et probablement même en prévention, dans la mesure où certains régimes alimentaires semblent associés à une prévalence plus importante de BPCO et à une dégradation plus marquée de la fonction respiratoire. Des données émergent sur l’intérêt potentiel des acides gras polyinsaturés (oméga-3, possédant des propriétés anti-inflammatoires), des aliments anti-oxydants (fruits et légumes) ou riches en fibres. Elles brossent le tableau d’une interaction complexe entre prédispositions génétiques, exposition à des aérocontaminants, et alimentation, ayant fondé le concept de nutrigénomique.


  1. Hanlon P, Guo X, McGhee E, Lewsey J, McAllister D, Mair FS. Systematic review and meta-analysis of prevalence, trajectories, and clinical outcomes for frailty in COPD. NPJ Prim Care Respir Med. 2023;33(1):1. doi: 10.1038/s41533-022-00324-5
  2. Attwell L, Vassallo M. Response to Pulmonary Rehabilitation in Older People with Physical Frailty, Sarcopenia and Chronic Lung Disease. Geriatrics (Basel) 2017;2(1):9. doi: 10.3390/geriatrics2010009
  3. Al Chikhanie Y, Bailly S, Amroussa I, Veale D, Hérengt F, Verges S. Clustering of COPD patients and their response to pulmonary rehabilitation. Respir Med. 2022;198:106861. doi: 10.1016/j.rmed.2022.106861
  4. Schols AM, Ferreira IM, Franssen FM, et al. Nutritional assessment and therapy in COPD: a European Respiratory Society statement. Eur Respir J. 2014;44(6):1504-20. doi: 10.1183/09031936.00070914
  5. Schols AM, Soeters PB, Mostert R, Pluymers RJ, Wouters EF. Physiologic effects of nutritional support and anabolic steroids in patients with chronic obstructive pulmonary disease. A placebo-controlled randomized trial. Am J Respir Crit Care Med. 1995;152(4 Pt 1):1268-74. doi: 10.1164/ajrccm.152.4.7551381)
  6. van Wetering CR, Hoogendoorn M, Broekhuizen R, et al. Efficacy and costs of nutritional rehabilitation in muscle-wasted patients with chronic obstructive pulmonary disease in a community-based setting: a prespecified subgroup analysis of the INTERCOM trial. J Am Med Dir Assoc. 2010;11(3):179-87. doi: 10.1016/j.jamda.2009.12.083
  7. Pison CM, Cano NJ, Chérion C, et al. ; IRAD Investigators. Multimodal nutritional rehabilitation improves clinical outcomes of malnourished patients with chronic respiratory failure: a randomised controlled trial. Thorax. 2011;66(11):953-60. doi: 10.1136/thx.2010.154922
  8. Sugawara K, Takahashi H, Kashiwagura T, et al. Effect of anti-inflammatory supplementation with whey peptide and exercise therapy in patients with COPD. Respir Med. 2012;106(11):1526-34. doi: 10.1016/j.rmed.2012.07.001
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