Plusieurs études observationnelles transversales ont décrit les étiologies et les modalités pratiques de ventilation non invasive (VNI) à domicile au long cours en Europe au début des années 2000. Nous disposons des résultats du sondage EuroVent paru en 2003 qui compare les pratiques à travers l’Europe1 ainsi que des résultats de la Geneva Lake Study qui évaluait les pratiques entre 1992 et 2000 dans la région genevoise.2 Nous attendions une mise à jour, c’est chose faite grâce à l’équipe du professeur Jean-Paul Janssens.
Entre le 1er juin 2016 et le 31 juin 2017, 747 patients bénéficiant d’une VNI au long cours à domicile dans le Canton de Genève et de Vaud en Suisse ont été inclus. Ils étaient sous VNI depuis 38 mois en moyenne. Les principales indications de la VNI étaient : 1/les troubles respiratoires nocturnes du sommeil (46,2 % des patients), constituant un groupe hétérogène traité principalement par ventilation auto-asservie (89,3 % des patients), 2/l’insuffisance respiratoire obstructive (22,1 % des patients) et 3/le syndrome obésité-hypoventilation (15,8 % des patients). La moitié des patients sous ventilation étaient obèses. Les comorbidités étaient fréquentes : 69,6 % des patients étaient suivis pour une hypertension artérielle, 18,7 % pour une insuffisance cardiaque gauche, 10 % pour une maladie cérébro-vasculaire et 42,7 % pour un syndrome anxiodépressif.
Dans la majorité des cas, la ventilation était débutée dans un service hospitalier (66,7 % des cas). Les médecins spécialistes du privé étaient en revanche impliqués dans le suivi (45,8 % des patients). Les mises en route électives de VNI concernaient les patients neuromusculaires et les troubles respiratoires du sommeil ; la mise en route en urgence concernait seulement 28,1 % des patients, majoritairement porteurs de BPCO ou de SOH.
La quasi-totalité des malades étaient ventilés en mode barométrique même si les malades neuromusculaires représentaient 9,8 % de la population. La ventilation volumétrique a donc quasiment disparu depuis 2003 tandis qu’émergeait la ventilation auto-asservie (41,2 % des patients). Les pressions appliquées restaient intermédiaires, y compris dans le groupe des patients BPCO (en moyenne, IPAP à 18 cmH2O, EPAP à 6 cmH2O et fréquence respiratoire à 15/min). Ces paramètres permettaient un contrôle de l’hypoventilation nocturne (PtcCO2 moyenne à 45 mmHg, SpO2 moyenne 93 %, la nuit sous VNI). Le principal modèle de masque utilisé était le masque facial avec un niveau de fuite acceptable. L’observance était excellente, en moyenne de 7,1 heures par nuit.
Concernant la ventilation auto-asservie, il s’agissait d’un groupe hétérogène de 308 patients, constitué en majorité d’hommes âgés (âge moyen : 71 ans, 84,7 % d’hommes). La ventilation auto-asservie était mise en place dans 72,7 % des cas pour un syndrome d’apnées du sommeil complexe, après échec du traitement par pression positive continue, et dans 23,7 % des cas pour un syndrome d’apnées du sommeil central. L’étiologie du syndrome d’apnées du sommeil central était l’insuffisance cardiaque dans 27,4 % des cas, la consommation de drogues dans 21,9 % des cas et les maladies neurologiques dans 17,8 % des cas. Malgré le résultat de SERVE-HF, seulement 60,3 % des patients sous ventilation auto-asservie pour un syndrome d’apnées du sommeil central avaient récemment bénéficié d’une échocardiographie transthoracique. Parmi eux, 10,9 % avaient une fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure à 45 %.
Finalement, l’évolution des pratiques en VNI se poursuit. On peut être surpris de l’émergence de la ventilation auto-asservie, alors qu’elle a été très récemment fortement remise en cause. Mais, la ventilation barométrique en mode ST tient le haut du pavé, sans que les modes automatiques ne soient largement utilisés et en gardant des pressions d’insufflation raisonnables, en balance avec les habitudes allemandes dans la BPCO. Une autre tendance très intéressante est la qualité du suivi des patients et l’utilisation des logiciels intégrés aux respirateurs.
Marjolaine Georges, service de pneumologie et soins intensifs respiratoires, CHU Dijon Bourgogne, Dijon
D’après la session B68 – Diagnosis and treatment of sleep disordered breathing
The Geneva Lake Study update : a descriptive and cross-sectional multicentre study regarding the currents trends of long-term home non-invasive ventilation : ASV population. Cantero C, Genève, Suisse, A3982
The Geneva Lake Study update : a descriptive and cross-sectional multicentre study regarding the currents trends of long-term home non-invasive ventilation : ventilators, data ventilator software and monitoring. Cantero C, Genève, Suisse, A3983
The Geneva Lake Study update : a descriptive and cross-sectional multicentre study regarding the currents trends of long-term home non-invasive ventilation : population and follow-up. Cantero C, Genève, Suisse, A3984
© iSPLF – Mission ATS – MAI 2018
- Lloyd-Owen SJ, Donaldson GC, Ambrosino N, Escarabill J, Farre R, Fauroux B, Robert D, et al. Patterns of home mechanical ventilation use in Europe : results from the Eurovent survey. Eur Respir J 2005 ; 25 (6) : 1025-31. ↩
- Janssens JP, Derivaz S, Breitenstein E, De Muralt B, Fitting JW, Chevrolet JC, Rochat T. Changing patterns in long-term noninvasive ventilation: a 7-year prospective study in the Geneva Lake area. Chest 2003 ; 123 (1) : 67-79. ↩