Le tabac, c’est toujours tabou !

Il y a chaque année une préoccupation légitime des sociétés savantes américaines à rapporter (ou redécouvrir inlassablement) les effets préoccupants sur la santé respiratoire de tout ce que l’Homme peut inhaler. Depuis la cigarette électronique jusqu’aux particules diesels, en passant par les drogues illicites les plus originales. Mais il faut savoir revenir aux bases. Revenons sur le risque infectieux de l’intoxication tabagique !

Avec une volonté de méthodologie plus stricte, notamment quant à la certitude du diagnostic de tuberculose (80% des études sélectionnées étaient réalisées dans des pays en développement), une nouvelle méta-analyse confirme les effets délétères du tabac et de la pollution atmosphérique sur l’histoire naturelle de la tuberculose. Le tabagisme comme l’exposition à la pollution atmosphérique intérieure ou extérieure sont des facteurs de risque d’infection et de maladie à Mycobacterium tuberculosis et de décès de tuberculose. De plus, le tabagisme retarde la négativation bactériologique mais aussi augmente le risque de rechutes et de résistance aux anti-tuberculeux.

Lors de la 1ère vague de la pandémie COVID-19, de nombreuses informations contradictoires ont circulé à propos des liens entre tabagisme et infection à SARS-CoV2. Il fut un temps, pas si ancien, où la communauté scientifique envisageait sérieusement que la nicotine puisse avoir des effets protecteurs en inhibant l’expression des récepteurs à l’angiotensine 2 dans le poumon 1. La rumeur a démarré alors que les premiers travaux chinois publiés montraient une proportion singulièrement faible de fumeurs hospitalisés en réanimation 2. Heureusement, les nombreuses limites méthodologiques (niveaux de gravité de la COVID-19 variables, objectif principal différent, définition du tabagisme, biais de survie) ont été rapidement soulevées et la communauté médicale a diffusé un message de prudence vis-à-vis du tabagisme.

L’analyse des liens entre tabagisme et COVID-19 a été effectuée au sein de la cohorte C4R. Il s’agit d’une cohorte réunissant 14 cohortes nationales (comme, par exemple, SPIROMICS, COPDGene ou la Framingham Heart Study), incluant plus de 50 000 américains, avec un suivi longitudinal de plus de 40 ans. L’extraction des données concerne 27 771 participants (âge moyen de 75 ans, 58% de femmes, 30% d’afro-américains, 64% de primo-vaccinations avant l’infection à SARS-CoV2) entre mars 2020 et septembre 2022. Dans ce contexte, les données concernant le statut tabagique sont donc extrêmement précises et, pour certaines cohortes, vérifiées biologiquement. Les patients sont classés fumeurs au-delà de 100 cigarettes. La date d’un éventuel sevrage est connue. Les données concernant la COVID-19 sont issues de questionnaires auto-administrés.  Ensuite, les dossiers médicaux sont révisés avant de retenir une hospitalisation ou un décès secondaires à la COVID-19. Parmi 2 495 patients ayant présenté une infection à SARS-CoV2 (10%), 549 (22%) sont hospitalisés et 94 (4%) décèdent. Le risque d’infection à SARS-CoV2 est effectivement plus faible chez les fumeurs (HR : 0,97 [0,88-0,99]). Par contre, au-delà de 5 paquets-années, le risque d’hospitalisation et de décès est supérieur chez les patients fumeurs, d’autant plus que le tabagisme est important (HR : 1,05 [1,01-1,10]). Il n’y a pas d’effet du statut vaccinal ni du délai de sevrage sur la gravité de l’infection.   

La preuve qu’il existe des liaisons dangereuses entre tabac et infection, qu’elle soit liée à Mycobacterium tuberculosis ou à SARS-CoV2, illustre bien l’importance, à l’échelle mondiale, des politiques de prévention du tabagisme et d’incitation au sevrage. 

Marjolaine Georges, Service de Pneumologie et Soins Intensifs Respiratoires, CHU Dijon Bourgogne, 14 rue Paul Gaffarel, Dijon

D’après la communication de Carroll S et al. Effects of smoking and air pollution on tuberculosis development and treatment outcomes: a systematic review and meta-analysis. Am J Respir Crit Care Med 2023; 207: A 4518 (session C17) 

D’après la communication de Balte P et al. Association of smoking history with COVID-19 infection, hospitalization and death in the C4R study. Am J Respir Crit Care Med 2023; 207: A2752 (session B14)

  1. Yue X, Basting TM, Flanagan TW et al. Nicotine downregulates the compensatory angiotensin-converting enzyme 2 / angiotensin type 2 receptor of the renin–angiotensin system. Ann Am Thorac Soc. 2018 ; 15(Suppl 2): S126–S127. doi: 10.1513/AnnalsATS.201706-464MG.
  2. Guan WJ, Ni ZY, Hu Y et al; China Medical Treatment Expert Group for Covid-19. Clinical characteristics of coronavirus disease 2019 in China. N Engl J Med. 2020. doi: 10.1056/NEJMoa2002032
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