Mauvais sommeil et rejet chronique après la transplantation pulmonaire : l’œuf ou la poule ?

Le parcours des transplantés pulmonaires est émaillé de nombreux écueils et complications ; pour optimiser les résultats de la greffe, le suivi clinique doit aborder toutes les facettes de la santé des patients. Les études concernant les pathologies du sommeil après une transplantation pulmonaire se sont surtout focalisées sur leur prévalence, mais peu de données sont disponibles quant à leur association aux résultats de la greffe, que ce soit sur le plan de la qualité de vie ou pour des critères plus objectifs comme la survenue d’un rejet ou de décès.

J.P. Singer (UCSF, San Francisco, Etats-Unis) a présenté les résultats d’une étude originale menée dans son centre, avec pour objectifs de décrire les facteurs de risque associés à un sommeil de mauvaise qualité en périopératoire, et d’évaluer l’association entre sommeil de mauvaise qualité et divers critères de suivi post-greffe.

Cette étude a été construite en s’appuyant sur la cohorte prospective longitudinale “Breathe Again”, établie à San Francisco. Cette cohorte de transplantés pulmonaires a pour objectif de suivre les patients avant et après la transplantation, à intervalle réguliers, sur des paramètres de qualité de vie, de fragilité et, depuis plus récemment, de qualité de sommeil par le biais du questionnaire Medical Outcomes Study (MOS) Sleep Problems Index (SPI) et d’un score d’insomnie.

Parmi les 256 patients de la cohorte, 141 avec des données complètes de MOS-SPI ont été inclus. La durée de suivi médiane était de 1.5 ans post-transplantation. Les auteurs ont pu montrer que, en période périopératoire, les patients avec une durée de séjour plus longue avaient une moins bonne qualité de sommeil et davantage d’insomnie après le retour à domicile. Au cours du suivi, la mauvaise qualité de sommeil était associée de manière significative à une détérioration de la plupart des indicateurs de succès clinique post-transplantation : diminution de la qualité de vie, majoration des scores de dépression, diminution des capacités à l’effort, augmentation des scores de fragilité, et surtout augmentation de la prévalence du rejet chronique (CLAD), ce qui est d’autant plus significatif étant donné la durée de suivi relativement courte des patients et le faible effectif.

L’association entre sommeil perturbé et CLAD est intéressante, mais pose la question du mécanisme sous-jacent. L’impact d’un sommeil de mauvaise qualité sur la thymie et l’anxiété n’est plus à démontrer, et la dépression peut entraîner une moindre adhérence aux traitements immunosuppresseurs et autres contraintes associées à la transplantation. Un sommeil pathologique pourrait également causer une dysrégulation de certains processus immunitaires. A l’opposé, il est possible que le rejet chronique entraîne des troubles du sommeil… davantage de données longitudinales et objectives (polygraphie ventilatoire) seraient nécessaires pour faire la lumière sur ces interactions.

Ces résultats devraient nous inciter à être plus vigilant vis-à-vis de la qualité de vie – et de sommeil – de nos patients après la greffe, et à penser à recourir à la polygraphie ventilatoire, bien que cet examen ne fasse pas partie du bilan systématique pré-transplantation ni du suivi dans la plupart des centres.

D’après le poster de J.P. Singer, et al. Disturbed sleep is associated with worse patient-reported outcomes and chronic lung allograft dysfunction after lung transplantation. Am J Respir Crit Care Med 2024 (session C93)

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