Prise en charge ventilatoire du SDRA : et si on mettait les patients debout ?


Le décubitus ventral (DV) est devenu une stratégie incontournable dans la prise en charge du syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) sévère et son utilisation s’est grandement étendue avec la pandémie de COVID-19. Cependant, il s’agit d’une procédure lourde à mettre en œuvre, nécessitant plusieurs intervenants et potentiellement source d’événements indésirables graves (auto-extubation, ablation de dispositifs, etc…). Si la position demi-assise (tête haute à 45°, jambes abaissées à 45°) a pu montrer des résultats prometteurs 1, la verticalisation du lit (position debout) pourrait aussi constituer une alternative efficace au DV.

Cette étude physiologique prospective, menée par l’équipe de réanimation de Clermont-Ferrand, a donc eu pour objectif d’évaluer la faisabilité, la sécurité et les effets physiologiques (hémodynamique, mécanique ventilatoire et hématose) de la verticalisation complète du lit chez des patients intubé-ventilés et sédatés pour un SDRA. Trente patients ont été progressivement verticalisés à l’aide d’un lit spécifique (0°, 30°, 60° et 90° par paliers de 30 mn). Les paramètres ventilatoires (données du ventilateur, mesure de pression œsophagienne, tomographie thoracique par impédancemétrie électrique), hémodynamiques (cathéter de Swan-Ganz) et gazométriques (artériels et veineux) ont été mesurés dans chacune des positions.

Aucun évènement indésirable grave n’est survenu au cours des procédures de verticalisation. La pression artérielle moyenne et le débit cardiaque sont restés stables dans les différentes positions. Le volume pulmonaire de fin d’expiration rapporté au poids prédit augmentait significativement de 26,14 [14,85-33,03] à 34,18 [26,69-36,72] mL/kg (p<0,0001) entre la position de base (0°) et 90 , alors que la déformation (« strain ») alvéolaire était retrouvée plus faible (de 0,26 [0,19-0,43] à 0,19 [0,16-0,23], p=0,0016). Bien que la compliance statique du système respiratoire ait diminuée entre 0° et 90  (de 40,32 [26,86-51,17] à 25,00 [20,56-36,69] mL/cmH2O/kg, p<0,0001), la compliance pulmonaire ne diminuait pas significativement entre ces 2 positions (47,22 [38,54-83,10] à 43,11 [29,58-64,07] cmH2O, p=0,84), de même que la puissance mécanique globale (10,32 [8,48-13,16] à 10,32 [8,80; 16-22] joules/mn, p=0,94). Par ailleurs, le shunt transpulmonaire diminuait significativement entre 0° et 90° (de 0,19 [0,14-0,25] à 0,12 [0,06-0,16], p<0,0013), alors que le rapport PaO2/FiO2 augmentait significativement (de 115,5 [83,8-140,0] à 136,4 [113,0-185,6] mmHg, p=0,020).

La verticalisation du lit dans la prise en charge du SDRA apparait donc faisable, sécuritaire avec des résultats prometteurs sur la mécanique ventilatoire et l’hématose et une relative bonne tolérance hémodynamique. L’efficacité clinique qui peut en être attendue méritera d’être évaluée par des essais prospectifs randomisés, comparant notamment la verticalisation aux soins standards ou au DV.

Christophe Girault, Service de Médecine Intensive et Réanimation, CHU-Hôpitaux de Rouen


D’après la communication de Bouchant L., et al. Physiological effects and safety of bed verticalization in patients with acute respiratory distress syndrome. Am J Respir Crit Care Med 2022; 205: A5033. Session D15.

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