Les recommandations européennes pour la prise en charge des patients atteints d’hypertension pulmonaire (HTP) recommandent d’initier des traitements combinés (bithérapie ou trithérapie) chez les patients atteints d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) sans comorbidité cardiovasculaire, alors qu’une simple monothérapie est recommandée chez ceux avec comorbidité cardiovasculaire, au nom du principe de précaution concernant la tolérance des médicaments. Une étude française a rapporté des données de vraie vie concernant l’efficacité et la tolérance des deux stratégies thérapeutiques chez les patients atteints d’HTAP avec au moins une comorbidité cardiovasculaire.
Il s’agit d’une étude rétrospective réalisée à partir du registre français des HTP entre 2009 et 2020. Parmi les 1784 patients analysés, 1088 (61%) avaient au moins une comorbidité cardiovasculaire (obésité, hypertension artérielle, diabète ou coronaropathie). Parmi eux, 60% ont été initiés en monothérapie et 40% ont reçu des traitements combinés (majoritairement l’association antagoniste des récepteurs de l’endothéline et inhibiteur de phosphodiestérase 5). Un score de propension a été réalisé pour rendre comparables les 2 groupes étudiés (monothérapie et bithérapie orale) sur les critères suivants : âge, sexe, indice de masse corporelle et risque de mortalité au diagnostic de l’HTAP. Chaque groupe était constitué de 354 patients.
L’amélioration fonctionnelle et hémodynamique lors de la première réévaluation (5 mois après le diagnostic) était meilleure sous bithérapie que sous monothérapie (baisse de 50% des résistances vasculaires pulmonaires contre 27%, p<0,001). De plus, la probabilité d’atteindre un risque faible ou intermédiaire-faible de mortalité lors de la première réévaluation était significativement plus élevée chez les patients initiés en bithérapie (53%) que chez ceux recevant une monothérapie (45%), p=0.029. La survie à un an était également meilleure chez les patients initiés en bithérapie (95%) que chez ceux sous monothérapie (90%, p=0,027), alors qu’aucune différence de survie à long-terme n’était retrouvée entre les 2 groupes. Au cours du suivi, 68% du groupe monothérapie et 35% du groupe bithérapie initiale ont nécessité une escalade thérapeutique. Les données de tolérance étaient similaires entre les 2 groupes (monothérapie et bithérapie) : respectivement 24% et 23% d’arrêt de traitement, et 7% et 10% d’élévation de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) au-delà de 15 mmHg (p=0.17). La stratégie thérapeutique n’était pas un facteur prédictif de survenue de ces évènements. En revanche, le diabète et une PAPO au diagnostic comprise entre 13 et 15 mmHg étaient prédictifs d’une élévation ultérieure de la PAPO.
En conclusion, la bithérapie orale semble être une option thérapeutique efficace et sûre dans l’HTAP aussi bien chez les sujets sans comorbidité cardiovasculaire que chez les patients comorbides.
Athénaïs Boucly, Service de Pneumologie et Soins Intensifs Respiratoires, Hôpital Bicêtre, Assistance Publique Hôpitaux de Paris, 78, rue du Général Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre
D’après la communication de A. Boucly. Initial therapy in pulmonary arterial hypertension and cardiovascular comorbidities: monotherapy or dual combination? Am J Respir Crit Care Med 2024;209:A1017 (Session A14)