Santé planétaire : y a-t-il un point commun entre la fonte des glaces et les latrines antiques ?

Il est peu dire que Philippe Charlier était attendu par un public d’emblée conquis en ce vendredi ensoleillé dans le grand auditorium du parc Chanot à Marseille. Grand orateur, notre confrère légiste, anatomopathologiste, anthropologue et archéologue, avait illuminé la conférence inaugurale du CPLF de l’an dernier à Lille. Il est revenu ce jour avec un topo encore brillant, drôle et étayé sur le risque de la résurgence d’agents infectieux du passé sur l’humain d’aujourd’hui. Répondre à la thématique « Infectiologie : quand l’ennemi vient du passé » fait émerger deux axes de réponse.

Les agents viraux et bactériens du passé, endormis mais pas totalement éteints, représentent un risque théorique pour le vivant d’aujourd’hui

En premier lieu, le réchauffement climatique génère des particularités géologiques, comme l’explosion de bulles de méthane en Sibérie créant des trous béants qui mettent à nu des couches terrestres jusque-là recouvertes. D’autre part, le permafrost (ou pergisol) fond dans une zone nordique très étendue dépassant le cercle polaire. Cette fonte entraine la libération de charges organiques mises en circulation dans l’air et dans l’eau adjacente, et notamment des virus de type Pandora ou Pithovirus.

Quel est le risque infectieux de libération d’agents préalablement endormis à la fois pour la population professionnelle des archéologues, et plus largement pour l’humanité ? La question fait l’objet de plusieurs publications. 1 L’orateur nous invite à lire notamment des papiers concernant des collections anatomiques sèches de nos musées (véritables biobanques de l’histoire des maladies virales). 2, 3
À ce jour, le risque est théorique et la pathogénie n’a pas été démontrée. Citons quand même la preuve de décès d’un enfant et de rennes après la remise en circulation de charbon / anthrax enchassé dépuis le 17ème siècle dans une couche superficielle de permafrost ayant fondu. Heureusement le phénomène est resté local et la dangerosité de cette émanation ne s’est pas répandue.

Ce que révèle le microbiote des latrines de Napoléon ou de la tête embaumée d’Henri IV

En deuxième axe de réponse à la thématique qui lui était proposée, Philippe Charlier a partagé sa passion pour l’étude des latrines, qualifiant même une colonne d’excréments séchés sur une île grecque de « Nirvana ». Évidemment la boutade est sous-tendue par une réalité scientifique : les selles sont une mine d’information sur le microbiote de la période considérée.
Ainsi, lors de travaux archéologiques sur l’île de Sainte-Hélène, la fouille des toilettes de Napoléon, de ses différentes poubelles et de sa baignoire restée intacte sur place a permis d’identifier une flore microbienne extrêmement importante, dessinant les contours des microbiotes intestinal et cutané de notre empereur déchu.

Un travail est en cours sur le microbiome de l’arbre respiratoire supérieur d’Henri IV, via l’étude de sa tête embaumée ayant conservé son tractus respiratoire jusqu’à la naissance de la trachée. Spoiler alert : des découvertes croustillantes auraient été faites. Mais pour les connaître, il faudra réinviter Philippe Charlier. Rendez-vous, peut-être, au CPLF 2026 à Lille alors !


D’après la présentation « Quand l’ennemi vient du passé » présentée par Philippe Charlier, session fil rouge A06 « Quand l’environnement fait le lit des infections respiratoires » du vendredi 24 janvier 2025.

  1. Charlier P, Claverie JM, Sansonetti P, Coppens Y, Augias A, Jacqueline S, Rengot F, Deo S. Re-emerging infectious diseases from the past: Hysteria or real risk? Eur J Intern Med. 2017;44:28-30. doi: 10.1016/j.ejim.2017.06.018.
  2. Charlier P, Héry-Arnaud G, Coppens Y, Malaurie J, Hoang-Oppermann V, Deps P, Kenmogne JB, Foka M, Josué E, Schor XE, Brun L, Kepanga M, Evanty N, Julia E, Bose S, Iaukea L, Romero Epiayu J, Deo S, Augias A, Claverie JM. Global warming and planetary health: An open letter to the WHO from scientific and indigenous people urging for paleo-microbiology studies. Infect Genet Evol. 2020;82:104284. doi: 10.1016/j.meegid.2020.104284.
  3. Charlier P, Hervé C. What new life for the Parisian (and European) anatomical and pathological collections? struggle for medical education. Clin Anat. 2017;30(4):432-433. doi: 10.1002/ca.22795.
Retour en haut
SPLF-APPLI

GRATUIT
VOIR