Traiter ou ne pas traiter en périopératoire les cancers du poumon de stade localisé IB/IIA ?

Comment choisir la bonne stratégie périopératoire dans les cancers pulmonaires non à petites cellules de stade IB/IIA ? Le Pr Jacques Cadranel a mis en lumière les défis associés à ces stades localisés et leur pertinence clinique. Un hot topic en oncologie thoracique actuellement.

Dimanche 9 septembre, à l’ERS 2024, le Pr Jacques Cadranel (Hôpital Tenon – APHP, Paris) a relevé le défi de présenter les dernières données sur les traitements néoadjuvants pour les cancers pulmonaires non à petites cellules (CBNPC)de stade IB/IIA. Contrairement aux stades plus avancés IIB ou IIIA, où le bénéfice d’une stratégie périopératoire est bien documenté, les données sont plus limitées pour les stades IB (tumeurs de 3-4 cm sans atteinte ganglionnaire) et IIA (tumeurs de 4-5 cm sans atteinte ganglionnaire). Le bénéfice du traitement reste donc plus incertain dans ces cas.

L’incertitude demeure quant au traitement optimal pour les stades précoces

Un paradoxe persiste dans la prise de décision thérapeutique pour ces stades précoces. “Nous ne savons pas prédire avec précision quels patients sont guéris par la seule chirurgie, quels sont ceux qui bénéficieraient réellement d’un traitement péri-opératoire, ou encore ceux qui risquent de rechuter et de mourir, qu’ils reçoivent ou non une chimiothérapie »,explique le Pr Cadranel. Cette incertitude rend le choix du traitement optimal d’autant plus complexe. Pour les stades IB, où la chirurgie seule peut être curative dans environ 70 % des cas, l’intérêt d’un traitement néoadjuvant ou adjuvant n’est pas clairement démontré. Cependant, plusieurs innovations en traitements périopératoires ouvrent de nouvelles perspectives.

Pour les CBNPC réséqués de stade IB-IIIA présentant des mutations de l’EGFR

L’osimertinib prescrit pendant 3 ans a démontré un bénéfice en termes de survie sans maladie et de retard de l’apparition de métastases cérébrales, avec ou sans chimiothérapie adjuvante (essai ADAURA). De même, l’alectinib, prescrit pendant 2 ans pour les CBNPC réséqués de stade II-IIIA avec réarrangement ALK, a montré un bénéfice similaire par rapport à la chimiothérapie adjuvante classique. “Dans les cancers réséqués avec addiction oncogénique, on peut s’interroger sur la durée optimale de traitement, qu’elle soit de 2 ou 3 ans, et sur l’objectif du traitement : retarder la rechute ou guérir le patient ?” questionne le Pr Cadranel.

Quid de l’immunothérapie en périopératoire ?

Les données sont encore limitées à ce jour. Aucune étude de phase 3 n’a évalué l’efficacité de l’immunothérapie pour les tumeurs de moins de 4 cm. Une méta-analyse récente1 n’a pas montré de bénéfice significatif de l’immunothérapie adjuvante par rapport à la chimiothérapie en termes de survie globale. En néoadjuvant, deux approches se distinguent : la chimio-immunothérapie suivie d’une surveillance post-résection, et une stratégie combinant chimio-immunothérapie néoadjuvante avec un an d’immunothérapie post-opératoire. Les essais sur ces stratégies ont révélé un bénéfice sur la survie sans rechute (EFS) et sur la réponse pathologique complète (pCR), y compris pour les stades II où le bénéfice sur l’EFS est statistiquement significatif. Cependant, les données spécifiques aux stades IIA restent limitées.

En conclusion

Pour conclure sa présentation, le Pr Cadranel s’est appuyé sur les recommandations récentes d’un panel d’experts en oncologie thoracique de l’IASLC 2, qui suggèrent la nécessité d’un traitement par chimio-immunothérapie néoadjuvante dans 65 % des cas pour les stades II, contre 95 % pour les stades IIIA/IIIB. Cela illustre les nombreuses interrogations actuelles sur la stratégie périopératoire des stades précoces. Les études futures devront affiner la sélection des patients qui bénéficieront de cette stratégie.

  1. Nuccio A, Viscardi G, Salomone F, et al. Systematic review and meta-analysis of immune checkpoint inhibitors as single agent or in combination with chemotherapy in early-stage non-small cell lung cancer: Impact of clinicopathological factors and indirect comparison between treatment strategies. Eur J Cancer. 2023;113404. https://doi.org/10.1016/j.ejca.2023.113404
  2. Spicer JD, Cascone T, Wynes MW, et al. Neoadjuvant and Adjuvant Treatments for Early Stage Resectable NSCLC: Consensus Recommendations From the International Association for the Study of Lung Cancer. J Thorac Oncol. 2024 : sous presse. https://www.jto.org/article/S1556-0864(24)00627-0/fulltext
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