Décubitus ventral vigile


Le décubitus ventral (DV) est maintenant une technique admise et recommandée en réanimation pour la prise en charge des patients porteurs d’un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), intubés et ventilés 1. La pandémie que nous traversons actuellement, avec la saturation des services de réanimation qu’elle entraine, a permis de développer un certain nombre de stratégies visant à éviter le recours à la ventilation mécanique. Parmi elles, la mise en place du décubitus ventral (DV) chez des patients vigiles est parfois réalisée en réanimation voire en salle de médecine en complément des différentes techniques d’oxygénothérapie.

Quelques études sont présentées lors de ce congrès, dans 2 sessions de posters. Il s’agit le plus souvent de données rétrospectives, comme les études de Pajak A 2, Thakur S 3 et Meredith S 4qui ne retrouvent aucune différence en termes de recours à la ventilation mécanique ou de mortalité. Seul Thakur fait état d’une diminution de la mortalité dans un groupe de patients obèses en DV (11,11% versus 41,66%, p = 0,02) sans toutefois retrouver de différence de recours à la ventilation mécanique. Les limites de ces études, outre leur caractère rétrospectif, sont nombreuses : DV pratiqué de façon hétérogène (durée, fréquence quotidienne, DV souvent laissé à la discrétion du patient), degré d’hypoxémie non rapporté dans ces travaux à l’inclusion, techniques d’oxygénothérapie non décrites…

Awad MT 5 a effectué une méta-analyse portant sur 3 études publiées, soit 290 patients. Aucune différence significative n’a été démontrée à l’issue de cette méta-analyse, ni sur le taux d’intubation, ni sur la mortalité. Là encore, les pratiques en termes de DV étaient variables.

Chen F 6 a montré une étude prospective mono-centrique portant sur 25 patients présentant une pneumonie à Covid-19. Les patients se mettaient eux-mêmes sur le ventre pour un minimum de 30 minutes et 15 minutes en décubitus dorsal et latéral, avec un enregistrement continu de la SpO2, de la fréquence cardiaque, du CO2 expiré et de la fréquence respiratoire. Il faut souligner le caractère peu sévère de la pneumonie, les patients présentant des FiO2 au moment du DV de 0,32 (0,28 – 0,36). L’âge moyen des patients était de 64 ans, principalement des hommes (72%), en surpoids (index de masse corporelle 28,5 kg/m2 [25,7 – 31,4]). On constate une amélioration de la SpO2 significative en DV (94,7% versus 93,1%, p = 0,031), conjointement à une augmentation de la sensation d’inconfort plus marquée en DV et DL. Cette étude a l’avantage indéniable d’être prospective et de mesurer les paramètres d’oxygénation en continu. Néanmoins, elle ne s’adresse probablement pas aux patients chez qui la question est essentielle, à savoir des patients plus hypoxémiques (besoin de FiO2 > 50%), plus obèses. Elle ne permet pas non plus d’évaluer la persistance du bénéfice, ni les critères de réponse au DV. Aucune de ces études n’évalue la réponse en fonction du degré d’atteinte scannographique.

Li C 7 a rapporté lui aussi une étude rétrospective portant sur 54 patients hypoxémiques ayant bénéficié de DV vigile. Trente et un patients (57%) n’ont pas été intubés : il s’agissait des patients les moins hypoxémiques au départ, mais aussi ceux dont la fréquence respiratoire et le rapport SpO2/FiO2 s’amélioraient de façon significative après 4h en DV. Ces données tendraient à montrer que le bénéfice du DV pourrait se voir assez rapidement, après toutefois une durée de 4 heures. La tolérance de la technique n’est pas rapportée dans le travail présenté.

La pratique du DV vigile connaît donc un certain intérêt dans le contexte pandémique actuel. Nous sommes toutefois loin de pouvoir déterminer si cette technique a une légitimité quelconque sur un type de patient donné. De même, les pratiques sont tellement hétérogènes actuellement qu’aucune recommandation de durée, fréquence et résultats éventuels attendus ne peut être tirée. Des études plus poussées sont donc attendues, mais très probablement plus difficiles à mener que celles qui ont contribué à promouvoir le DV chez les sujets intubés.

Sandrine Pontier-Marchandise, Service de Pneumologie et unité des soins intensifs– Clinique des Voies Respiratoires, CHU Larrey, Toulouse


D’après les posters suivants :

Session TP 092 : Clinical advances in SARS CoV2 and Covid-19
Session TP 048 : Covid : ARDS clinical studies

  1. Guérin C. A prospective international observational prevalence study on prone positioning of ARDS patients: the APRONET (ARDS Prone Position Network) study. Int Care Med 2018 Jan;44(1):22-37
  2. Pajak A. Clinical outcomes in pronated critically ill patients infected with severe Covid-19 pneumonia. Am J Respir Crit Care Med 2021 ;203 :A2521
  3. Thakur S. Clinical outcomes in proning critically ill obese patients infected with Covid-19 pneumonia – The PROSECOVA trial. Am J Respir Crit Care Med 2021 ;203 :A3819
  4. Meredith S. A retrospective analysis of the effect of self proning on disease progression in Covid-19 patients. Am J Respir Crit Care Med 2021 ;203 :A2519
  5. Awad MT. Efficacy of early prone position on non-intubated Covid-19 patients with respiratory failure – A systemic review and meta-analysis. Am J Respir Crit Care Med 2021 ;203 :A2493
  6. Chen F. Prone positionning to improve Oxygenation in Covid-19 patients outside critical care (Prone-Covid study). Am J Respir Crit Care Med 2021 ;203 :A3843
  7. Li C. Impact of awake proning in acute hypoxemic respiratory failure secondary to Covid-19 : a retrospective cohort study. Am J Respir Crit Care Med 2021 ;203 :A2524.
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