Et si un seul scanner pouvait suffire à dépister le cancer du poumon ?

L’efficacité du dépistage du cancer pulmonaire par scanner thoracique faible dose (LDCT) n’est plus à démontrer 1 2 même si la France continue d’accumuler du retard dans la mise en place d’un dépistage organisé. Les Etats-Unis quant à eux ont même élargi leurs critères d’éligibilité (50-80 ans, plus de 20 paquets-années sevrés depuis moins de 15 ans) afin de sauver « le maximum de vies ». Ils sont néanmoins confrontés à certaines limites comme la faible adhésion au dépistage et la difficulté de poursuivre ce dépistage sur plusieurs années. Les études actuelles tendent donc déjà à affiner le processus, pour mieux sélectionner les sujets éligibles, diminuer les disparités et prédire au mieux l’évolution des nodules détectés. En effet, des outils fournissant une évaluation personnalisée du risque de cancer pourraient recentrer le dépistage sur les personnes les plus susceptibles d’en bénéficier. Début 2023, une étude a évalué un modèle de « deep learning » pour prédire le risque individuel sans nécessiter de données démographiques ou cliniques supplémentaires 3.

Les auteurs ont développé un modèle appelé « Sybil » en utilisant les données des LDCT du National Lung Screening Trial (NLST) 4 : les caractéristiques du volume du nodule sont extraits et une simulation par vecteurs est utilisée afin de produire une probabilité cumulée de développer un cancer du poumon dans les 6 ans. « Sybil » ne nécessite qu’un seul LDCT et ne nécessite pas de données cliniques ni d’annotations radiologiques ; il peut fonctionner en temps réel en arrière-plan sur un poste de lecture radiologique. « Sybil » a été testé sur trois cohortes indépendantes : une cohorte de 6 282 LDCT participants de l’essai NLST, 8 821 LDCT du Massachusetts General Hospital (MGH) et 12 280 LDCT du Chang Gung Memorial Hospital ((CGMH), dont les sujets avaient divers antécédents de tabagisme, y compris non-fumeurs).

« Sybil » a atteint une aire sous les courbes pour la prédiction du cancer du poumon à 1 an de 0,92 pour la cohorte NLST, 0,86 pour la cohorte MGH et 0,94 pour la cohorte CGMH (IC à 95% respectivement de 0,88 à 0,95 – 0,82 à 0,90 et 0,91 à 1,00). Les performances du modèle « Sybil » étaient maintenues quels que soient le sexe, l’âge ou l’histoire tabagique des sujets. Les indices de concordance sur 6 ans étaient de 0,75, 0,81 et 0,80 pour les cohortes NLST, MGH et CGMH (IC à 95% respectivement de 0,72 à 0,78 – 0,77 à 0,85 et 0,75 à 0,86).

Cette étude a montré que l’outil « Sybil » semble prédire avec précision le risque futur de cancer du poumon d’un individu à partir d’un seul LDCT pour permettre un dépistage personnalisé. D’autres études restent nécessaires pour valider son application pratique, en le combinant éventuellement à des critères cliniques afin d’en améliorer encore la puissance.

Marion Ferreira, Service de pneumologie et explorations fonctionnelles respiratoires, CEPR INSERM U1100, CHRU Bretonneau Tours, Boulevard Tonnellé, Tours.

D’après la communication de Nana-Sinkam P. : Precision oncology for lung cancer : developing new enabling cancer technologies (session B10)

  1. National Lung Screening Trial Research Team, Aberle DR, Adams AM, et al. Reduced lung-cancer mortality with low-dose computed tomographic screening. N Engl J Med 2011;365(5):395–409.
  2. Koning HJ de, Aalst CM van der, Jong PA de, et al. Reduced Lung-Cancer Mortality with Volume CT Screening in a Randomized Trial. N Engl J Med 2020;382(6):503–513.
  3. Mikhael PG, Wohlwend J, Yala A, et al. Sybil: A Validated Deep Learning Model to Predict Future Lung Cancer Risk From a Single Low-Dose Chest Computed Tomography. J Clin Oncol 2023;41(12):2191–2200.
  4. National Lung Screening Trial Research Team, Aberle DR, Adams AM, et al. Reduced lung-cancer mortality with low-dose computed tomographic screening. N Engl J Med 2011;365(5):395–409.
Retour en haut
SPLF-APP

GRATUIT
VOIR