Stimulation du diaphragme dans la sclérose latérale amyotrophique : une idée délétère !

Résultats spectaculairement négatifs de deux études randomisées

Courbes de survie des 2 groupes à l’arrêt de l’étude


La sclérose latérale amyotrophique (SLA) est une maladie neurodégénérative où la perte des motoneurones aboutit à une fonte
musculaire. L’incidence est autour de 3 sujets pour 100 000 habitants en Europe, elle est la plus fréquente des maladies rares, et la survie est comprise entre 2 et 5 ans depuis le début des symptômes. Le riluzole est le seul traitement à ce jour qui a montré une amélioration de la survie (de 1 3 mois). Ces chiffres rendent cette maladie terrifiante pour tous, les malades avant tout, mais les soignants aussi. La perte progressive du diaphragme conduit à des troubles du sommeil, de la dyspnée, des épisodes d’insuffisance respiratoire, puis au décès. La grande majorité des malades meurent de problèmes respiratoires et les derniers mois de vie peuvent être atroces, remplis de symptômes respiratoires. Un malade se décrivait comme « enterré vivant ». Première phase : l’enthousiasme pour la stimulation électrique Heureusement, les pneumologues ont montré que la ventilation non invasive soulage la dyspnée, améliore le sommeil, mais aussi la qualité de vie et prolonge la survie. Cette thérapeutique est devenue ainsi depuis 2006 un traitement incontournable, entraînant une forte sollicitation de notre communauté pneumologique. Une étude a même montré que commencer la VNI très précocement, avant même l’atteinte diaphragmatique pourrait être efficace et une étude randomisée contrôlée espagnole s’est terminée sur ce sujet en 2016 et les résultats sont en attente. Pendant cette phase où le diaphragme commence à peine à être atteint, une autre approche thérapeutique pourrait être de ralentir sa dégradation par stimulation électrique, de facto retardant le moment de la ventilation mécanique et évidemment prolongeant la survie. Une étude randomisée contrôlée australienne en 2009 avait déjà montré que des exercices d’endurance des muscles respiratoires retardaient la perte musculaire respiratoire. Ces résultats nous ont encouragés en France à tester la stimulation électrique
du diaphragme via le nerf phrénique avec le stimulateur NeurX™ (Synapse Biomedical, Cleveland, États-Unis) sur une étude pilote en 2011, ouverte et non randomisée. Devant des résultats très positifs, 1 un enthousiasme a grandi autour de cette thérapeutique dans la SLA. Elle a même obtenu le remboursement aux États-Unis dans cette indication. Deuxième étape : la douche froide de l’Evidence based-medicine En Europe — plus prudemment — deux grandes études de confirmation randomisées contrôlées ont été décidées. Les centres SLA anglais ont lancé l’étude DiPALS, en testant la stimulation  VNI versus la VNI seule, à un stade avancé de la dysfonction diaphragmatique. Les centres SLA français ont lancé l’étude RespiStimSLA à un stade très précoce de la dysfonction diaphragmatique, bien avant le besoin de VNI. Les deux études ont été interrompues avant la fin. L’étude DiPALS 2  a montré la première une surmortalité dans le groupe stimulé. Elle a été critiquée principalement sur deux points : 1. il ne s’agissait pas vraiment d’un groupe aveugle et les malades sous stimulateur ont eu tendance à moins utiliser leur VNI ; 2. les malades stimulés ont dû subir une chirurgie, alors que les autres non. Un an plus tard, l’étude RespiStimSLA 3 est arrêtée précocement aussi et confirme que la stimulation du diaphragme est délétère pour les malades. Une surmortalité spectaculaire dans le groupe stimulé est retrouvée, surtout dans les premiers mois ! (médianes de survie après la randomisation de 16 [9-27] mois contre plus de 33 mois [médiane non atteinte]). Ici, la chirurgie ne pouvait pas être incriminée car tous les malades ont été opérés, et le manque de groupe aveugle n’a pas pu non plus être incriminé car tous les malades avaient été implantés et tous se stimulaient (avec un câble d’aspect identique, mais actif ou non actif ).
Devant ces résultats cette thérapeutique a rapidement été abandonnée dans cette indication en France, au Royaume-Uni, en Australie, en Allemagne. Dans les autres pays, et notamment aux États-Unis, les témoignages très positifs des malades continuent à alimenter des espoirs et les implantations continuent ! La cause des décès n’est pas encore connue, mais cela semble vraiment être une accélération de la maladie. Des analyses complémentaires vont commencer maintenant et de nouvelles publications physiopathologiques vont faire avancer les connaissances sur l’atteinte diaphragmatique dans la SLA. Nous digérons d’abord l’immense déception qu’entraînent des résultats aussi négatifs, et nous tirons une grande leçon de prudence sur les résultats préliminaires parfois spectaculaires avec les dispositifs médicaux. L’Evidence based-medicine reste incontournable !

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RespiStimSLA et DiPALS Jesus Gonzalez (–Bermejo)
Responsable handicap respiratoire, Département R3S  réanimation, réhabilitation, respiration et sommeil
Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière
47 et 83 boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris Cedex 13

Info-Respiration N°137 Février  2017

  1. Gonzalez-Bermejo J, Morelot-Panzini C, Salachas F, et al. Diaphragm pacing improves
    sleep in patients with amyotrophic lateral sclerosis. Amyotroph Lateral Scler 2012 ; 13 :
    44-54.
  2. DiPALS Writing Committee ; DiPALS Study Group Collaborators. Safety and efficacy of diaphragm pacing in patients with respiratory insufficiency due to amyotrophic lateral sclerosis (DiPALS) : a multicentre, open-label, randomised controlled trial. Lancet Neurol 2015 ; 14 : 883-92.
  3. Gonzalez-Bermejo J, et al. Early diaphragm pacing in patients with amyotrophic lateral sclerosis (RespiStimALS) : a randomised controlled triple-blind trial. Lancet Neurol 2016 ; 15 : 1217-27.
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