L’importance de l’hérédité dans le domaine de l’oncologie ne fait plus aucun doute. Elle a été bien documentée depuis plus de 25 ans dans le cancer du côlon, mais reste encore peu connue dans le cancer du poumon.
Un cancer du poumon héréditaire se caractérise par la présence d’un variant pathogène constitutionnel dans le patrimoine génétique du patient. Il s’agit le plus souvent d’adénocarcinomes, représentant probablement environ 1% des cas. Ces prédispositions sont généralement identifiées par la réalisation d’un bilan sanguin lors d’une consultation d’oncogénétique. Traditionnellement, les patients avec cancer héréditaire sont des non-fumeurs, jeunes, présentant une histoire familiale évocatrice. De plus en plus, c’est le profil moléculaire tumoral qui oriente vers une origine héréditaire. Les répercussions d’un tel diagnostic ne se limitent pas au patient, mais englobent également ses proches, en vue de leur proposer un dépistage ainsi qu’une réduction des risques. Selon des études sur des jumeaux, l’héritabilité dans le cancer du poumon serait de 18%, soit une proportion similaire à celle observée pour le cancer du côlon.
Quelles sont les prédispositions génétiques connues du cancer du poumon ?
- Les variants EGFR constitutionnels
Le variant T790M est un variant historique de résistance acquise aux inhibiteurs de tyrosine kinase de première et deuxième génération. Il est pourtant parfois constitutionnel. D’autres variants constitutionnels ont été décrits tels que V843l, R776H, V834L, V769M, ou V834L. La prévalence estimée sur 7668 patients non sélectionnés est de 1/1000, avec 9 variants pathogènes constitutionnels d’EGFR. La fréquence est plus élevée en cas d’adénocarcinome et chez les patients jeunes et non-fumeurs. Une étude sur les mutations germinales d’EGFR et le cancer pulmonaire familial a identifié 91 porteurs de variants pathogènes d’EGFR provenant de 39 familles. La présence d’une mutation T790M au diagnostic était retrouvée dans 52% des cas de façon constitutionnelle. Le profil tumoral montre aussi quasi-systématiquement une deuxième altération d’EGFR somatique, la plus fréquente étant la L858R 1 .
- Li-Fraumeni
Le syndrome de Li-Frauméni est lié à une mutation dans le gène suppresseur de tumeur TP53 induisant un risque multiple de cancer (sein, sarcome, gliome, leucémie, corticosurrénalome, cancer pulmonaire). Sur une méta-analyse de plusieurs études internationales, 198 cas de syndrome de Li-Fraumeni avec réalisation d’IRM corps entiers ont mis en évidence au bilan d’inclusion 4 adénocarcinomes pulmonaires 2. Les cancers du poumon chez les patients ayant un Li-Fraumeni présentent majoritairement un variant activateur d’EGFR ou une translocation ROS1.
- BRCA2
BRCA2 est l’un des gènes majeurs de susceptibilité au cancer du sein et de l’ovaire. Il existe un possible risque de cancer du poumon chez les porteurs du variant, avec un risque relatif de 2,84. Une étude sur les porteurs de BRCA2 a révélé la présence d’adénocarcinomes pulmonaires chez des femmes non-fumeuses, le cancer était localisé et survenait environ 20 ans après le diagnostic du cancer du sein/ovaire 3.
- Gène du surfactant SFTPA1 et 2
Qui adresser en consultation d’oncogénétique ?Dans les situations suivantes :
- Cancer du poumon survenant avant l’âge de 40 ans,
- En cas de suspicion de prédisposition liée à l’EGFR en particulier en cas de présence d’un adénocarcinome avec des variants d’EGFR T790M, V842l, R776H, V769M, V834L avant traitement, et avec une fréquence allélique > 35%,
- En cas de suspicion de Li Fraumeni en présence d’un adénocarcinome pulmonaire chez des patients de < 50 ans avec des antécédents personnels ou familiaux de cancer du sein préménopausique, gliome, leucémie aiguë, sarcome, corticosurrénalome, cancer pulmonaire, ou présence d’un variant activateur tumoral d’EGFR,
- Cancer pulmonaire familial.
Comment dépister le cancer pulmonaire chez les patients à risque génétique ?
Pour les patients ayant une mutation constitutionnelle d’EGFR, le suivi nécessite le dépistage des apparentés, ainsi que le dépistage du cancer du poumon chez les porteurs par un scanner faible dose dès l’âge de 20 à 25 ans. Pour le Li-Fraumeni, il est recommandé de réaliser une IRM corps entier dès le diagnostic génétique, à répéter annuellement.
Dr Jeremy Slomka, Service de pneumologie, Hôpital Tenon, Paris
D’après la communication « Hérédité et cancer bronchique » de Patrick Benusiglio (Paris) – Session A21 « Quand le cancer commence tôt » du samedi 27 janvier 2024
- Oxnard GR, Chen R, Pharr JC, et al. Germline EGFR Mutations and Familial Lung Cancer. JCO. 2023;41(34):5274‑84. ↩
- Ballinger ML, Best A, Mai PL, et al. Baseline Surveillance in Li-Fraumeni Syndrome Using Whole-Body Magnetic Resonance Imaging: A Meta-analysis. JAMA Oncol. 2017;3(12):1634‑9. ↩
- Sanchis-Borja M, Fallet V, Fabre E, et al. Characterization of lung cancers in patients with BRCA germline variants: A multicenter series. Lung Cancer. 2022;173:67‑70. ↩