Dans une de ses récentes livraisons, La Revue Prescrire s’arrête en détail sur la désensibilisation dans la rhinite allergique saisonnière. La Revue se demande quelles sont les balances bénéfices-risques des désensibilisations en 2018 ?
Construite sur une synthèse de l’évaluation disponible
2-8 son jugement est résumé par ces mots : « Trop de risques et trop peu d’efficacité ». En bref, Prescrire souligne que la désensibilisation sous-cutanée expose à des réactions d’hypersensibilité graves tandis que la désensibilisation sublinguale, certes moins contraignante que la désensibilisation sous-cutanée, expose aussi à des effets indésirables graves mais avec un moindre niveau de surveillance par un soignant. Nous détaillons ici les données de la désensibilisation par voie sous cutanée, certes de moins en moins pratiquée et qui échappe à l’AMM (voir encadré). Désensibilisation par voie sous-cutanée : contraignante et risquée Les protocoles de désensibilisation par voie sous-cutanée supposent une surveillance pendant les minutes suivant chaque injection, dans un environnement permettant la prise en charge immédiate d’une éventuelle réaction allergique grave. ; ; , ,
Ces désensibilisations exposent notamment à des réactions allergiques parfois graves, des exacerbations d’asthme, des toux, des rhinopharyngites, des oedèmes buccaux et oculaires, des troubles psychiques (somnolences, dépression). Dans les essais recensés par une synthèse d’un groupe du Réseau Cochrane, 855 réactions allergiques locales, n’ayant le plus souvent justifié aucun traitement, et 670 réactions allergiques systémiques, toutes gravités confondues, ont été rapportées parmi environ 1 000 patients traités par désensibilisation sous-cutanée — plusieurs réactions allergiques ont pu être observées chez un même patient.. Le risque de réaction allergique menaçant la vie des patients est difficile à quantifier commente Prescrire : 1 pour 25 000 à 100 000 injections suivant les enquêtes, avec une mortalité à 1 pour 1 million à 2,5 millions d’injections.,
Dans les essais recensés par la synthèse Cochrane, ce risque parait plus élevé : dix-neuf réactions justifiant une injection d’adrénaline rapportées parmi 1 645 patients ayant reçu en moyenne dix-huit injections dans le cadre d’une désensibilisation sous-cutanée, soit 1 injection d’adrénaline pour environ 90 patients ou 1 500 injections.. En France, les données de pharmacovigilance disponible pour les APSI Alustal® et Phostal®, destinés à la désensibilisation par voie sous-cutanée font état de onze morts, dont six à huit probablement liées au traitement, pour environ 360 000 patients traités.7 Au total environ un mort pour environ 50 000 patients traités synthétise Prescrire — pour comparaison le Stade de France peut recevoir 80 000 personnes. Ce risque est notamment bien précisé dans une brochure d’information patients des allergologues canadiens (Québec) qui précise que Les facteurs de risque pour des réactions graves d’immunothérapie incluent l’administration du vaccin pendant la saison de pollen, les erreurs de dosage et d’administration, la présence d’un degré élevé d’hypersensibilité, utilisation de bêta-bloquants et l’asthme non contrôlé. Dans une enquête récente de l’AAAAI sur l’immunothérapie et les réactions mortelles ou sévères pendant la période de 1990-2001, 15 des 17 patients décédés étaient asthmatiques, dont 9 pour lesquels l’asthme a été considéré comme le facteur déterminant. En fait, la défaillance respiratoire sévère se produit exclusivement chez les patients asthmatiques, et 4 (57 %) des 7 patients asthmatiques avaient un VEMS de moins de 70 % de leur valeur prédite.
Nicolas Postel-Vinay Hôpital Européen Georges-Pompidou
L’auteur n’a déclaré aucun lien d’intérêt en relation avec cet article. InfoRespiration N°147- Octobre 2018