Prise en charge de l’asthme sévère : vers la réduction du traitement de fond inhalé sous biothérapie ?

Les résultats de l’étude SHAMAL montrent chez des patients asthmatiques bien contrôlés sous benralizumab, qu’il est possible de réduire l’intensité du traitement de fond inhalé en conservant un contrôle satisfaisant de la maladie.

L’arrivée des nouvelles biothérapies dans l’asthme sévère a considérablement amélioré la prise en charge de nos patients. Rapidement, nos objectifs thérapeutiques sont devenus de plus en plus ambitieux, de la réduction des exacerbations, en passant par celle du recours à la corticothérapie orale, jusqu’à l’obtention d’une rémission clinique sous traitement. Qu’en est-il de la réduction du traitement de fond inhalé ? L’étude SHAMAL, publiée en ce début d’année 2024, a démontré sur une cohorte de 168 patients asthmatiques bien contrôlés sous benralizumab qu’il était possible de réduire l’intensité du traitement de fond inhalé sous biothérapie chez près de 92% patients tout en conservant un contrôle satisfaisant de la maladie 1. Des données d’analyses post-hoc de SHAMAL rapportées lors du congrès complètent nos connaissances à ce sujet.

La réduction du traitement de fond inhalé apparaît possible chez la majorité des patients

Parmi les patients ayant réduit leur traitement de fond sous benralizumab, près de 61% des patients ont pu le faire jusqu’à ne conserver qu’un traitement par corticoïdes inhalés (CSI)/formotérol à la demande. Peut-on prédire, a priori, celles et ceux pour lesquels un tel objectif pourrait être atteint ? Pas si sûr ! Aucun des paramètres phénotypiques inflammatoires (éosinophiles sanguins, FENO), cliniques (âge au diagnostic de l’asthme, polypose nasosinusienne, taux d’exacerbation), ou fonctionnels respiratoires (paramètres spirométriques : VEMS, CVF), utilisés en pratique courante, ne différaient entre ces 2 groupes de patients à l’instauration du traitement.

Deux nuances de rémission de la maladie

Qu’en est-il de la rémission de la maladie : est-elle compatible avec une réduction de la pression thérapeutique inhalée ? Deux niveaux de rémission clinique ont été évalués : d’une part « CR3 » associant un score ACQ-5 <1,5, l’absence de recours à une corticothérapie orale et l’absence d’exacerbation d’asthme, et d’autre part « CR4 » ajoutant l’absence de baisse de VEMS de plus de 10% par rapport à l’état de base. Les analyses montrent que la majorité des patients dans le bras de réduction du traitement de fond inhalé ont atteint les critères CR3 (85,2%, n=98/115) à l’instar des patients du bras contrôle (91,4%, n=32/34) à la 32ème semaine. En revanche, l’obtention des critères CR4 semblait moins fréquente dans le groupe de réduction de traitement (55,8% vs 75%), y compris dans le sous-groupe atteignant le traitement par CSI-formotérol à la demande. Cette observation semble cohérente avec la baisse légère du VEMS (88,9 +/-27,2 mL) observée dans le bras « réduction » dans l’analyse principale.

Analyse en fonction de la baisse du VEMS

Dans ce contexte, les patients présentant une baisse importante du VEMS (>10%) au cours de la réduction du traitement de fond ont fait l’objet d’une analyse spécifique. Parmi les 92 patients ayant réduit leur traitement de fond, 26 (28,3%) ont présenté une telle baisse à la 48ème semaine sans différence observée concernant leurs caractéristiques cliniques et fonctionnelles respiratoires à la randomisation. On notait par ailleurs une fréquence de patients présentant ce degré de réduction du VEMS plus importante chez ceux ayant réduit jusqu’au CSI/formotérol à la demande (21/56 soit 37,5%) par rapport à ceux ayant eu une réduction moins importante de leur VEMS (5/36 soit 13,8%).

En conclusion

Au total, bien que l’étude SHAMAL a prouvé qu’il est possible de réduire de façon drastique le traitement de fond des patients bien contrôlés sous benralizumab, nous manquons à l’heure actuelle de biomarqueurs pertinents pour guider et accompagner cette attitude. Une surveillance respiratoire rigoureuse, tant clinique que fonctionnelle, des patients pour lesquels cette réduction est tentée semble importante, afin de ne pas perdre les bénéfices de l’obtention de la rémission clinique, ni prendre le risque d’une altération de la fonction respiratoire. Des données concernant le maintien effectif au long cours de cette réduction du traitement de fond inhalé sont attendues


D’après les posters :
– PA5354 “Baseline characteristics of patients with severe eosinophilic asthma treated with benralizumab who reduced to anti-inflammatory reliever only vs high-, medium- or low-dose inhaled corticosteroid/formoterol: SHAMAL post-hoc analysis” présenté par Brian Kent (Dublin, Irlande). Session de poster 489 “Unravelling the potential of interleukin-5 pathways in asthma ” du dimanche 8 septembre 2024.
– PA1194 “Clinical remission in patients with severe eosinophilic asthma treated with benralizumab who were randomised to reduce their inhaled corticosteroid/formoterol dose: SHAMAL post-hoc analysis” présenté par Gilles Devouassoux (Pierre-Bénite, France). Session de posters 133 “All the way to clinical remission of asthma” du dimanche 8 septembre 2024.
– PA5355 “Factors influencing lung function changes when inhaled corticosteroid/formoterol is reduced in patients with severe eosinophilic asthma treated with benralizumab” présenté par David J Jackson. Session de posters 489 “Unravelling the potential of interleukin-5 pathways in asthma” du dimanche 8 septembre 2024.

  1. Jackson DJ, Heaney LG, Humbert M, Kent BD, Shavit A, Hiljemark L, Olinger L, Cohen D, Menzies-Gow A, Korn S, Investigators S. Reduction of daily maintenance inhaled corticosteroids in patients with severe eosinophilic asthma treated with benralizumab (SHAMAL): a randomised, multicentre, open-label, phase 4 study. Lancet 2024;403(10423):271-281.
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