Embolie pulmonaire

Diagnostiquer une embolie pulmonaire chez la femme enceinte : les recommandations mettent les points sur les « i »  

Angioscanner chez la femme enceinte : faire ou ne pas faire ? Que celui qui ne s’est jamais posé cette question piège jette la première pierre.

Deux problématiques principales sous-tendent ce raisonnement difficile. D’une part nous disposons de peu de preuves scientifiques spécifiques susceptibles de nous aider à gérer une patiente enceinte suspecte d’embolie pulmonaire (EP). D’un autre côté, les conséquences d’un mauvais diagnostic ou d’un traitement anticoagulant prolongé sans confirmation diagnostique pendant la grossesse peuvent être sévères. Des recommandations récentes permettent enfin de guider le clinicien dans sa décision.

Les examens de base avant l’imagerie

Le premier message est que l’approche initiale de cette patiente doit être calquée sur celle d’une patiente non enceinte ! Il n’est pas inutile de rappeler les bases : avant de recourir à des examens d’imagerie « lourde », l’auscultation, la radiographie de thorax, l’ECG, la biologie ont toute leur place dans un contexte de dyspnée brutale hypoxémiante (pour éviter l’écueil d’un pneumothorax compressif découvert à l’angioscanner comme dans le cas clinique présenté par le Dr Jimenez). Des recommandations conjointes des Sociétés Européennes de Pneumologie (ERS) et de Cardiologie (ESC) publiées en 2019 placent ces examens en haut de l’algorithme (cf. figure 1)1.

Deux stratégies possibles plaçant la probabilité clinique au centre

Ensuite, qui dit embolie pulmonaire dit probabilité clinique. Deux stratégies décisionnelles ont été spécifiquement développées et validées pour évaluer le risque d’EP dans le contexte de la grossesse : celle de l’ESC/ERS2 basée sur le score de Genève modifié (cf. figure 2) et celle du groupe ARTEMIS3 (cf. figure 3) basée sur les critères de YEARS. La différence entre les 2 tient à la place systématique dans la seconde des D-dimères avec différents cut-offs selon la présence ou l’absence de l’un ou plusieurs des 3 critères cliniques de YEARS. Pour l’ERS / ESC, les D-dimères n’ont leur place qu’en cas de probabilité pré-test faible ou moyenne.

Ces deux stratégies sont équivalentes pour exclure une EP chez la femme enceinte

Aucune comparaison directe n’a été réalisée entre ces 2 stratégies qui apparaissent d’une efficacité comparable. L’utilité de ces algorithmes est en effet au rendez-vous, évitant la réalisation d’un angioscanner dans respectivement 21% et 39% des cas, et permettant le diagnostic positif d’EP dans 7,1% et 4% des cas. La prévalence de thrombose veineuse profonde « ratée » par l’algorithme était de 0% et 0,21% respectivement, confirmant l’excellent profil de sécurité de ces arbres décisionnels. Les 2 stratégies peuvent donc être utilisées pour éliminer l’EP chez la femme enceinte, à la discrétion du clinicien.

En cas de probabilité élevée à l’issue de l’arbre décisionnel, quel examen d’imagerie préférer entre l’angioscanner ou la scintigraphie pulmonaire ? L’angioscanner apporte une irradiation fœtale discrètement plus élevée (0,16-0,5 mGy vs < 0,01 mGy pour la scintigraphie), qui reste cependant largement inférieure à la dose acceptée de
100 mGy. L’incertitude diagnostique paraît plus favorable à l’angioscanner thoracique avec 8,9% d’examens non conclusifs versus 4-33% pour la scintigraphie.

À retenir

Dans l’embolie pulmonaire avec ou sans grossesse, la probabilité clinique est la pierre angulaire du diagnostic, avec l’apport des D-dimères dont la place et les cut-offs ont été parfaitement définis dans les recommandations internationales ERS/ESC et ARTEMIS. L’angioscanner paraît préférentiel à la scintigraphie pulmonaire du fait d’un risque moindre d’examen non conclusif.

Figure 1 : Recommandations des sociétés européennes de pneumologie et de cardiologie pour l’évaluation de la probabilité clinique d’embolie pulmonaire chez la femme enceinte 1
Figure 2 : Algorithme décisionnel de probabilité clinique d’EP chez la femme enceinte, selon les recommandations ERS/ESC, basé sur le score de Genève
modifié 2
Figure 3 : Algorithme décisionnel ARTEMIS de probabilité clinique d’EP chez la femme enceinte, basé sur l’algorithme YEARS 3

Clairelyne Dupin, Service de pneumologie A, Hôpital Bichat, Paris


D’après la communication 3707 « Guidelines for imaging of pulmonary embolism in pregnancy» présentée par le Dr David Jimenez Castro (Madrid, Espagne) ; Session 426 « Clinical challenges beyond guidelines »  du mardi 6 septembre 2022.

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Embolie pulmonaire : les recommandations ont elles réponse à tout ?

Faut-il suivre au long cours les patients atteints d’embolie pulmonaire ? C’est à cette question, non traitée dans les recommandations internationales que s’est attaché à répondre le Pr Olivier Sanchez (Hôpital Européen Georges Pompidou), de façon extrêmement claire et pragmatique.

Au-delà de la démarche diagnostique, qui est maintenant bien codifiée et détaillée dans les recommandations 1,2, la question du suivi de ces patients mérite d’être posée. De plus, il est maintenant communément admis qu’une part non-négligeable de patients atteints d’une embolie pulmonaire à faible risque peut rentrer à domicile de façon précoce après le diagnostic, et être traité en ambulatoire.

Stratification du risque et suivi étroit au cours du premier mois

Pour le Pr Sanchez, l’un des challenges qui suit immédiatement le diagnostic est de stratifier les patients selon leur niveau de risque. Vingt à 30% des patients à faible risque d’évolution défavorable peuvent être traités en ambulatoire. Ensuite, il convient d’éliminer les contre-indications aux anticoagulants, et la surveillance de ces patients doit être attentive dans le premier mois, puisque la moitié des complications surviennent dans cet intervalle. Lorsque ces patients sont suivis en ambulatoire, ils doivent être revus précocement, dans la première semaine suivant le diagnostic. Cette consultation permet d’optimiser l’information de ces patients, et leur éducation thérapeutique. Elle permet aussi de débriefer l’épisode, de répondre à leurs questions et ainsi de soulager leur éventuelle anxiété.

À un mois, le pneumologue doit s’assurer de l’observance du patient, et de la tolérance au traitement qui a été choisi. Le suivi des symptômes ayant mené au diagnostic est important.

La recherche de néoplasie occulte doit se faire à ce moment-là, après un épisode thromboembolique non provoqué, chez les patients âgés de 50 ans ou plus : un examen clinique, un bilan biologique simple avec calcémie, et des explorations ciblées sur les néoplasies les plus fréquentes gynécologiques et prostatiques. Le bilan de thrombophilie est recommandé en cas d’embolie pulmonaire non provoquée, chez les patients de moins de 50 ans, et avec antécédents familiaux.

Discussion de l’arrêt de l’anticoagulation

Cette discussion importante est à mener après 3 à 6 mois. Le traitement pourra être interrompu si le risque de récidive est jugé bas (à moins de 3% par an), s’il existe un facteur de risque majeur transitoire ou réversible. Une poursuite de l’anticoagulation, à pleine ou demi-dose d’un anticoagulant oral direct pourra être envisagée pour les maladies thrombo-emboliques à risque intermédiaire de récidive, c’est à dire en l’absence de facteur de risque, en cas de facteur de risque persistant (hors néoplasie), ou bien en cas de facteur de risque non majeur, réversible ou transitoire. Enfin, le traitement anticoagulant devra être poursuivi à vie en cas de risque de récidive élevé. Chez les patients qui vont poursuivre le traitement, l’évaluation du risque hémorragique est importante. Et là encore, une réévaluation clinique à la recherche d’une néoplasie occulte devra être menée.

Suivi des symptômes à distance de l’EP

À distance de l’épisode, les patients doivent être revus : plus de la moitié des patients ayant eu une embolie pulmonaire peuvent se plaindre d’une dyspnée persistante. Ainsi, le bilan étiologique de cet essoufflement est indispensable. La recherche d’un cœur pulmonaire chronique post-embolique repose sur les explorations écho-cardiographique, la réalisation d’une scintigraphie pulmonaire de ventilation/perfusion et par l’exclusion d’autres causes de dyspnée. Puis le patient doit être adressé à un centre expert.

Enfin, le suivi spécialisé de ces patients doit être annuel, avec la recherche de symptômes persistants ou de signes d’insuffisance cardiaque droite et l’évaluation des facteurs de risques hémorragiques éventuels.

Évidemment, un suivi conjoint et coordonné avec le médecin généraliste est fondamental à chaque étape.

Ainsi, si les recommandations ne s’attardent pas sur ces aspects fondamentaux du suivi des patients atteints d’embolie pulmonaire, cette présentation permet au pneumologue d’avoir des repères clairs, simples et pragmatiques pour son exercice quotidien.

Jonathan Messika, Service de Pneumologie et Transplantation Pulmonaire, Hôpital Bichat


D’après la communication « Optimal follow-up after acute pulmonary embolism » d’Olivier Sanchez (Paris, France) ; Session 426 « Clinical cases: Clinical challenges beyond guidelines » du mardi 6 septembre 2022

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Numéro 168– Avril 2022

ÉDITORIAL

L’indispensable soutien au système de soin ukrainien. Justine Frija-Masson

VIE DE LA SOCIÉTÉ
Quelle place pour les jeunes pneumologues à l’ERS ?
Marc Humbert, Maxime Patout, d’après une interview d’Agnès Lara
Les rapports d’activité 2021 des groupes de travail de la SPLF.
Groupe | Alvéole, Fréderic Costes – Groupe | ETHER, François Martin – Groupe | Femmes et Poumon, Cecilia Nocent – Groupe | GAV02, Jésus Gonzalez-Bermejo – Groupe | GETIF 2021-2022, Nicolas Guibert – Groupe | GREPI, Claire Andréjak – Groupe | J2R, Isabelle Vachier – Groupe | Kinésithérapie Respiratoire, Marc Beaumont
Groupe | Tabac Toxiques inhalés, Anne Marie Ruppert, Corinne Vannimenu. – Groupe | Toux, Laurent Guilleminault – Groupe | PAPPEI, Pascal Andujar – Groupe | Pneumologie et Culture, Jean-Pierre Orlando
Madagascar : pneumologie solidaire en période de pandémie.

ACTUALITÉS MÉDICALES
Peut-on initier un ITK chez les patients admis en réanimation pour une IRA liée à la progression d’un cancer bronchique ?
Yacine Tandjaoui-Lambiotte

MISE AU POINT
Traitement de la sarcoïdose : mise à jour 2021 des recommandations de l’ERS. Jean Pastre

INITIATIVES
Étude CASCADE : dépistage du cancer du poumon par scanner faible dose chez les femmes.
Marie-Pierre Revel, Marie Wislez

VIGILANCE
Appareils respiratoires Philips : remplacement des appareils défectueux.
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CULTURE
Alfred Touchemolin (1829-1907). Séance de vaccination au Val-de-Grâce. Quand la vaccination était un acte de bravoure au service de la Nation.
Jean-Pierre Orlando 

LU POUR VOUS
Faut-il ajuster le seuil de D-dimères à l’âge pour le diagnostic de l’embolie pulmonaire ? Jonathan Messika

Communiqué de presse
Boehringer Ingelheim, partenaire de VIK, l’application pour accompagner les patients atteints de Fibrose Pulmonaire Idiopathique (FPI) • Cancer du poumon localement avancé non opérable : l’efficacité et la tolérance du durvalumab confirmées en vraie vie • Trimbow® maintenant également disponible en forme poudre à inhaler
dans le dispositif NEXThaler® pour les patients atteints de BPCO

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Numéro 165 – Octobre 2021

 

ÉDITORIAL

Un congrès de l’ERS digital mais bien rempli 
Justine Frija-Masson 

VIE DE LA SOCIÉTÉ

Les premiers états généraux de la santé respiratoire sont ouverts ! Justine Frija-Masson 

Rachat de Vectura par Philip Morris : la position de l’ERS Marc Humbert 

CONGRÈS ERS 2021

En direct de l’ERS 2021 : Encore une belle édition ! Justine Frija-Masson 

Pneumopathie interstitielle diffuse (PID) 

Association pneumopathie interstitielle diffuse fibrosante et cancer pulmonaire : quelle attitude thérapeutique adopter ? Louise Bondeelle 

Maladies vasculaires pulmonaires 

Prise en charge ambulatoire de l’embolie pulmonaire : état des lieux Étienne-Marie Jutant 

Sotatercept dans l’HTAP : les résultats se maintiennent à un an Étienne-Marie Jutant 

Asthme 

Biothérapie de l’asthme sévère et COVID-19 : pas de surrisque de contamination ou de sévérité Clairelyne Dupin 

INITIATIVES

Essai Nintecor : nintédanib dans la fibrose pulmonaire induite par le SARS-CoV-2 Bruno Crestani 

Focus sur la métacohorte pneumo-COVID-19 Claire Andrejak 

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Si la pêche m’était contée… 

Jean-Pierre Orlando 

LU POUR VOUS

Exercice physique et chimiothérapie pour les patients atteints de cancers pulmonaires Madeleine Burton 

Le rinçage nasal : habitudes de pratique et opinions de médecins et pharmaciens Pierre Cnockaert 

Sotorasib pour les cancers bronchiques avec la mutation KRAS p.G12C Andrei Seferian 

Communiqué de presse

Fibrose pulmonaire : OFEV®, un traitement innovant dans 2 nouvelles indications 

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Numéro 144- avril 2018

Accès abonnés

ÉDITORIAL
Intelligence artificielle : une réorganisation des pratiques médicales s’annonce, Nicolas Postel-Vinay
5

VIE DE LA SOCIÉTÉ
Le Cepro de la SPLF : pourquoi et comment le solliciter ? Benoît Wallaert, Bruno Crestani
Comptes rendus d’activité 2017 des groupes de travail de la SPLF : AJPO2, Jean-Baptiste Assié ; Pappei, Denis Caillaud
Intelligence artificielle en santé : vers un nouveau groupe de travail pour anticiper ce mouvement, Nicolas Roche
Pneumologie et communication, Anne Prudhomme
7-9

CLINIQUE
Incapacité momentanée totale de respirer,
Pascale Amberger
11-12

ENTRETIEN
Filtergate : quand le CNCT révèle une nouvelle tromperie de l’industrie du tabac
Yves Martinet, Emmanuelle Béguinot
13-14

INITIATIVES
Évaluation des objets connectés en santé et, notamment, en pneumologie : création du Digital Medical Hub, Marie-Pia d’Ortho

HISTOIRE
50e anniversaire de la découverte de l’IgE, pierre angulaire des réactions allergiques Gabrielle Pauli
18-19

CULTURE
Inspection, palpation et auscultation du Torse de César, Jean-Pierre Orlando
Morceaux choisis : Promenade au travers de l’étymologie de la tuberculose, Bernard Pigearias
20-22

VIGILANCE
Corticothérapie inhalée et risque d’infection à mycobactérie typique : un risque réel, mais moindre que celui des pneumopathies, Aurélien Justet
23

LU POUR VOUS
24 Dyspnée et/ou douleurs thoraciques aux urgences : le recours à la tomodensitométrie pourrait-il être réduit en cas de suspicion d’embolie pulmonaire? Jennifer Truchot
25 Avec quels examens mettre en évidence une hypertension pulmonaire d’exercice ? un official statement de l’ERS répond,
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26 Corticoïdes et bronchites chez les adultes non asthmatiques : encore une prescription inutile… Alexis Ferré

ENCADRÉS
14-17. Petites annonces
12. 30e Congrès de la FFAAIR
23. Journée mondiale de l’asthme

COMMUNIQUÉS DE PRESSE
Triple association ICS/LABA/LAMA en particules extrafines à dose fixe dans la BPCO – Asthme sévère réfractaire à éosinophiles : première thérapie ciblée anti-IL-5 – BPCO : résultats de l’étude DYNAGITO® n

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Quel bilan étiologique pour quel patient ?

A15–Embolie pulmonaire (session commune SFMU/SPLF)

Quel bilan étiologique pour quel patient ?

Francis Couturaud (Brest)

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