Clopidogrel et geste pleural : des liaisons dangereuses ?

Deux équipes différentes ont rapporté leur propre expérience et réalisé une revue systématique de la littérature avec méta-analyse sur le risque potentiel hémorragique lors de gestes pleuraux avec une conclusion similaire pour notre pratique quotidienne.

Quand des gestes pleuraux (thoracocentèse, biopsies pleurales ou pose d’un drain) sont nécessaires chez des patients sous antiagrégants plaquettaires au long cours, le risque de saignement doit être mis en balance avec le risque de thrombose artérielle en cas d’interruption du traitement (5 à 7 jours avant le geste invasif). Dangers L., et coll. [ 1.Dangers L, Similowski T, Chenivesse C. Pleural procedures in patients treated by platelet aggregation inhibitors : An opinion survey. Rev Mal Respir 2016 Jan ; 33 (1) : 41-6.]  avaient montré lors d’une enquête auprès des pneumologues français en 2016 que quasiment tous n’arrêtaient pas systématiquement les antiagrégants plaquettaires pour une ponction pleurale ou une pose de drain, sans complications hémorragiques le plus souvent. Mais ils étaient beaucoup plus réticents pour les biopsies pleurales et surtout si le traitement était du clopidogrel plutôt que de l’aspirine. Cette crainte est-elle justifiée ? C’est la question à laquelle ont tenté de répondre deux méta-analyses rapportées à l’ATS 2018.

Perl S., et coll.1  ont évalué le risque de saignement sous antiagrégant plaquettaire et/ou anticoagulant lors d’une thoracocentèse. Ce risque était quasiment nul dans leur expérience, de même que dans leur revue de la littérature avec une méta-analyse agrégeant ces résultats et les leurs avec un risque de 0,02 % de saignement sous clopidogrel. Shujaat A., et coll. 2  ont rapporté, par une revue de la littérature, le risque de saignement sous clopidogrel lors d’une thoracocentèse ou de la pose d’un petit drain pleural (< 20F) toutes guidées par échographie thoracique mais sans doppler. Un total de 178 gestes pleuraux était évalué dont 69 % de poses de très petits drains (6F-8F), chez des patients d’âge moyen 70 ans et un volume drainé d’environ 1 200 cc. Le risque hémorragique était marginal avec un seul épisode d’hémothorax non fatal (0,56 % des cas).

En conclusion, la réalisation d’une thoracocentèse ou de la pose d’un petit drain pleural semble à risque hémorragique infime sous clopidogrel. Cependant, la littérature étudiée était assez pauvre, incluant dans la deuxième étude des abstracts en congrès internationaux d’études non publiées, avec des méthodologies variables. De plus, aucune expérience de biopsies pleurales sous clopidogrel n’était rapportée donc méfiance pour ces gestes. Globalement, on continuera à discuter l’arrêt du clopidogrel, en dehors d’un contexte urgent, selon la balance bénéfices/risques du patient pour tout geste invasif pleural guidé par l’échographie hors thoracocentèse ou pose d’un (très) petit drain pleural. La réalisation d’un essai clinique randomisé est souhaitable pour clore le débat.

Arnaud Scherpereel, service de pneumologie et oncologie thoracique, CHU de Lille, Lille

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© iSPLF – Mission ATS – MAI 2018

  1. Perl S., et coll. (Beer Yaakov, Israel). Thoracocentesis under clopidogrel. Session B101 – New developments in pleural disease diagnosis and treatment – le 21 mai 2018 (A4204).
  2. Shujaat A, et coll. (New-York, États-Unis). Safety of thoracocentesis and small bore chest drain in patients on clopidogrel : a systematic review. Session B101 – New developments in pleural disease diagnosis and treatment – le 21 mai 2018 (A4203).
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